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I’m on the edge of a knife ▬ Bonnie

@ Alexander E. Gray

Alexander E. Gray
Jean Premium
Messages : 8
Date d'inscription : 01/01/2023
#
Mar 3 Jan - 21:22
I’m on the edge of a knife
Bonnie & Alex


Il est trois heures du mat’ quand son vieux portable sonne. Mais à trois heures du mat’, Alex est devant la boite de nuit en train d’éjecter les merdeux qui se prennent pour les cowboys du quartier parce qu’ils ont deux poils au bout de la bite, le sang bleu et des parents installés chaudement autour d’une table où on prend des décisions importantes dont Ethan se fout.

- On va t’faire virer connard !
- C’est ça l’merdeux. Reviens quand t’auras plus besoin de t’moucher la bite dans les jupes de ta mère. »

Le gamin et ses deux potes lui envoient trois doigts d’honneur mais le videur ne les regarde déjà plus.
Il est trois heures du mat’ et la nuit ressemble à celle de la veille et à celle de demain. Donc, à rien d’autre qu’une étendue noire sans étoile où Alexander avance au travers les jours en pilote automatique. Il vient vider le night-club toute pété de la ville presque tous les soirs, rentre chez lui pour respirer l’odeur d’une coloc’ morte, entendre des éclats de voix fantômes et espérer y voir surgir un beau matin une tignasse rousse.
Y a rien d’autre que la routine et le quotidien qui suivent les rails de coke qu’il sniffe de temps en temps. Moins qu’avant pour éviter de se retrouver à l’hosto, la bave aux lèvres, à se pisser dessus comme s’il avait 80 piges. Il n’veut pas crever, même si au fond, ça changerait pas grand-chose parce qu’Alex est déjà flingué.

Il l’est depuis qu’elle s’est tirée.
Avec cet enculé qu’il rêverait de fracasser dans un mur juste parce qu’il peut la voir, lui.

Alors, Alex vide le club à défaut de pouvoir se remplir le cœur.

Posté devant les portes battantes, enfoncé dans sa chemise et son pantalon noir, il a la gueule des mauvais jours depuis six mois parce qu’il ne sait plus sourire. Sauf quand il veut tirer son coup. Là, aucun problème pour sortir son sourire colgate, charmer la nana qu’il veut se faire et qu’il ne ramène jamais chez lui. Il veut pas faire venir qui que ce soit dans sa grotte où il tourne parfois en rond, préfère aller s’échouer chez l’autre pour mieux repartir sans avoir de compte à rendre. Il y va, souvent, simplement pour apercevoir l’étincelle qui surgit devant ses yeux quand il jouit. Ça dure trois secondes, puis la nuit revient.

Les scientifiques guindés dans leur costard à 500$ la pièce avaient raison. On devient vachement plus con quand t’as plus de soleil qui t’file ta dose de vitamine D. La sienne, elle s’est évaporée. Il la déjà dit, c’est vrai, mais souvent ça revient le hanter et fracasser son crâne comme une enclume sur le métal. C’est là, ça cogne avec rage parce qu’il a jamais compris comment on pouvait passer d’une amitié d’enfance si spéciale à rien. D’entendre des mots qu’il aurait voulu qu’on lui murmure depuis plus longtemps qu’il se l’était avoué à être ignorer comme la merde insignifiante qu’il était. Ils ont traversés les pires ouragans ensemble mais elle le plantait comme ça, sans rien dire. Comme si rien n’avait jamais existé.
En plus d’être en colère, il a mal. Il y a qu’une seule personne sur cette terre capable de lui infliger une plaie pareille qui n’cicatrisera jamais. Il peut se gonfler les veines ou sniffer autant de fois qu’il veut, ça restera là. Toujours.

Ouais, il est trois heures du mat et son portable sonne. Et il ne l’entend pas. Il ne le voit pas. Le vieux cellulaire planqué dans son casier vibre une fois, puis trois. Puis cinq. Puis dix. Lui, il est trop occupé à contrôler, différencier les mineurs des majeurs, à dégager les poivrots, les gros lourds qui comprennent rien de c’qu’on leur gueule aux oreilles. Ça n’va jamais plus loin qu’un « connard » parce que personne n’a envie de faire chier le gorille avec sa barbe de plusieurs jours, ses cheveux un peu fou et son regard bleu qui vous perce la poitrine comme une lance.

Il faut attendre six heures, fermeture du club, pour qu’Alexander Gray délaisse son poste de videur et rejoigne son vestiaire étroit et dégueulasse. Ca sent toujours le fennec là-dedans, comme si on y avait enfermé trois pré-pubères depuis deux semaines. Il vire sa chemise et son froc qu’il balance dans son vieux sac à dos élimé et les remplace par un tee-shirt qu’on jugerait de serré et un jean délavé mais jamais plus que sa vieille paire de pompes. Veste en cuir sur le dos, son portable est la dernière chose qu’il prend.
Il se glisse une clope entre les lèvres, salue machinalement ses collègues, trop occupé à checker l’écran fissuré de son cellulaire. Ca fait des plombes que Cal’ lui dit qu’il serait temps d’en changer mais Alex a toujours refusé. La première raison c’est qu’il a pas l’fric. La deuxième, c’est qu’il a trop peur de paumer le numéro de Bonnie ou qu’elle ne puisse plus jamais le rappeler s’il devait changer de numéro avec. Mais ça, il ne l’dit pas.

Le numéro qui s’affiche en douze exemplaires, il ne le connait pas. Ça lui dit rien mais il s’est fait insistant. Il scroll, les rayures de l’écran sous ses doigts. 3 heures du mat’
3h02
3h08
3h55

Et ainsi de suite, jusqu’à 5 heures.
Douze fois et Alex flippe douze fois plus. Il a pas trop le temps de se faire des films parce que le numéro rappelle. Cette fois, il décroche, sa clope toujours entre ses lèvres sèches.

- Ouais ? le ton du connard qui s’apprête à envoyer chier.  
- Monsieur Alexander Gray ?
- Vous êtes qui ?
- Dr Fumero, Médecin en réanimation à Bastrop Hospital. Nous avons trouvé votre numéro dans le portefeuille de Madame Bonnie Hall pour les personnes à contacter d’urgence. »

Bonnie Hall.
Ça lui fait l’effet d’une bombe d’entendre ça de la bouche d’une autre quand lui ne la plus jamais entendu ailleurs que dans ses solitudes.
Ça lui fait l’effet d’une bombe quand il capte aussi que c’est un toubib qui l’appelle. Qu’on a trouvé son numéro pour les urgences.

- Votre amie nous a été amenée dans un état critique, il faudrait que vous veniez dès que possible sur place. »

Ethan sombre. Le monde s’arrête et son cerveau bascule. Il ne voit plus noir, il voit rouge. Le rouge de l’angoisse et de la rage. Il peut sentir son sang quitter ses veines de junkie et le sol trembler sous ses godasses.

Votre amie.
Etat critique.

Il a le cœur qui éclate, sa clope manque de tomber sur le bitume.

- Elle a quoi ? C’quoi le problème ? »

Devant ses yeux ouverts qui ne voient rien, les images défilent comme une diapo de l’horreur.
Bonnie dans le coma dans sa gerbe et sa bave, l’overdose au bout du bras.
Bonnie qui s’est planté en bagnole.
Bonnie qui s’est faite planté par un ancien client.
Bonnie qui s’est foutue en l’air, les veines ouvertes.

Mais le toubib dit rien. Faut venir, qu’elle répète. Venir vite, pour discuter, pour expliquer à quel point Bonnie va mal et que c’est la merde. Qu’Ethan a une chance sur deux de finir tout seul pour de bon parce que même s’ils ne se voyaient plus, Bonnie était dans la même ville que lui, alors c’était un peu comme si elle était toujours là au fond.
Si elle disparaissait, lui aussi.

Alex raccroche, fait demi-tour d’un pas pressé et lourd. Il cherche la bagnole de Hugh qui se trouve encore dans le parking.

- Hugh ! Il interpelle son collègue qui sort du club, la gueule tirée. Amène-moi à l’hosto.
- Pourquoi ? Tu t’es encore pété un truc ?
- Amène-moi là-bas, tout d’suite. Ça urge. »

Hugh l’observe avec son air de poisson mort et quand il croise le regard glacial de son collègue, il hausse les épaules et se cale derrière le volant.
Tout le trajet est un enfer pour Alex. Il se voit crever dix fois, imagine Bonnie y passer tout autant de fois et se maudit de pas être foutu de passer le permis. A cette heure-là, pas d’bus, à pieds il mettrait des heures et Alex a pas le temps d’attendre. Il faut qu’il soit là. Vite.

Hugh essaie de comprendre mais se prend un mur de silence. Gray n’a jamais été un grand bavard, on dit même de lui que c’est pas franchement une lumière et ils ont raison. Alex n’est pas la flèche de sa classe sociale sauf quand il s’agit de dealer sa came. La tête, c’était Bonnie.
Une demi-heure après le coup de fil, Alex traverse le hall en lino, les néons blancs lui brûlent la rétine et il fonce vers les ascenseurs. Il n’passe même pas par les admissions, choisit direct le ticket vers la réanimation en poussant les portes des escaliers qu’il grimpe à toute vitesse, le cœur au bord des lèvres. Putain qu’il déteste les hôpitaux et ses odeurs de macchabés aseptisés. De mauvais souvenirs se rappellent à lui qui lui donne un arrière-goût métallique. Les chevaux de l’angoisse l’écrase, il a du mal à respirer quand il arrive dans le service où deux  infirmières le regarde comme s’il était un fou venu buté de la blouse blanche pour le kiffe.

- C’est où que j’trouve Bonnie ?

Elles fixent ce type aux cheveux en vrac, le regard fou. Les infirmières n’ont pas le temps de répondre.

- OH ! J’ai posé une question, elle est où BONNIE HALL ! Votre to…
- Mr Gray ? Une médecin surgit à l’autre bout de la salle où trône un gigantesque bureau en arc de cercle. Comme un bar mais pour l’administration. Et face à ça, des portes. Un tas de foutues portes. Alex s’approche d’elle à grand pas. Le Dr Fumero ne recule et ne tremble pas. Des tarés comme lui, elle en voit tous les jours, c’est inscrit sur sa gueule épuisée. De celle qu’à pas dormit depuis vingt-quatre heures, occupées à sauver des vies pour des connards comme lui qui n’disent même pas bonsoir.
- Où est-ce que j’peux la voir ?
- Suivez-moi. »

Elle a vite compris que ça ne sert à rien de débattre avec des « il faut d’abord qu’on discute ». Alex ne veut pas discuter, il veut la voir. Maintenant.
Il en oublie que ça fait des mois qu’il n’a plus vu sa tignasse incandescente, qu’il n’a plus entendu son rire de conasse. Tout tombe dans l’abîme. Même sa rancœur acide, sa blessure sanguinolente ou sa violence enragée. Il avait suffi qu’on lui dise qu’il risquait de la perdre pour qu’il efface toute la merde et accourt jusqu’à elle.

Ils arrivent devant l’une des portes qu’Alex a balayé du regard en arrivant et la toubib l’arrête. Les yeux qu’elle plante sur lui sont aussi froids que les siens.

- Vous êtes le conjoint de Madame Hall ? »

Elle aurait pu lui coller une droite, l’effet aurait été moins brutal. Alex la scrute sans trop comprendre.

- Non, j’suis son pote. »

J’ai trahi notre promesse.
Rien que son pote.

- Enfin, un ami de longue date. Pourquoi ?
- Elle nous a été amenée avec coups et blessures. Nous soupçonnons des violences conjugales, est-ce que vous êtes informés d’une relation que votre amie entretiendrait ?
- Violences quoi ?
- Conjugales. »

Alexander est obligé de lui faire répéter parce que ça ne s’imprime pas la première fois.

La seconde, il sait déjà que le sang va couler.

Il lui faut pas deux secondes pour avoir la gueule du coupable qui clignote comme un panneau publicitaire. Son instinct de bourrin lui hurle de faire demi-tour, là, maintenant, pour retrouver ce fils de pute parce que ça ne peut être que lui. Sa respiration se bloque, ses poings se crispent. Il va cramer ce monde de merde, traîner la gueule de cet enculé sur trois kilomètres pour l’entendre chialer sa mère. Il va lui faire bouffer le bitume et ses phalanges jusqu’à ce qu’on ne reconnaisse plus sa face de rat.

Alexander veut tout détruire. L’hosto, la toubib, les portes, les bip-bip qui le rendent dingues, le club, les merdeux de tout à l’heure. Quand le médecin pousse la porte, il a l’impression de louper une marche.

Elle est là, allongée dans son lit comme la princesse qu’elle aimait jouer. Seulement cette fois, pas de belle chevelure rousse qui s’étend sur une taie d’oreiller qu’ils ont récupérés il ne sait plus où, pas de gros chat qui vient ronronner à ses oreilles, pas de « Ethaaaan j’ai faiiiiim ».

Y a rien de tout ça. Juste Bonnie allongée, les yeux clos, la gueule déformée. Tout est rouge, boursoufflée, son œil est gonflé, son nez a été cassé puis remit et ses lèvres qu’il crevait d’embrasser avant qu’elle ne lui tourne le dos, sont fendues de toute part.

- Nous avons dû la sédater, elle était très agitée. »

Sans déconner. Même dans la mort, Bonnie cracherait à la face du monde en leur hurlant d’aller se faire mettre.
Alex donnerait tout son monde contre ça. Pourtant, il entend rien d’autre que les bips, là aussi. Les constantes, qu’elle disait le Dr Fumero. Lui, il a l’impression d’entendre un rappel du temps qui passe et qu’il a loupé.

- La police est venu, elle repassera certainement pour vous interroger. »

Ethan n’entend plus rien, il l’écoute déjà plus depuis deux bonnes minutes, ses yeux bleus fixés sur ce corps cassé. Des côtes fêlées, une épaule démise, une entorse au poignet. Elle a eu de la chance. Cette phrase ne lui a pas échappée.
Il veut lui exploser la gueule pour ça.
La chance de quoi ? D’être née du mauvais côté de la route et être cataloguée, comme lui, comme chiot de la casse à la naissance ? D’avoir trainée dans les clubs les plus glauques, trouver son bonheur dans les seringues à ses côtés ? De danser pour des fils de pute en chaleur incapable de bander devant leur femme parce qu’elles avaient vingt de trop ?

D’avoir croiser ce résidu de l’humanité qui lui avait fracassé la gueule. Fracassé sa Bonnie.

Alexander avait juré de démolir tous ceux qui toucheraient à un seul de ses cheveux.
Il a le souffle court quand il prend conscience de l’absence du médecin et qu’il est désormais seul avec la rousse qui dort toujours. C’est peut-être parce qu’il voit le sang séché sur son visage mais Gray a l’impression d’en sentir l’odeur partout, incrusté jusque dans les murs. Il s’approche d’un pas lourd mais quand il s’assoit sur la chaise qu’il fait racler sur le lino, la main qu’il tend est tendre. Ses doigts épais tremblent quand ils glissent sur les cheveux de Bonnie, endormie.
Elle a l’air fragile, on dirait que sa paume pourrait fissurer son crâne. Il aime pas la voir comme ça, aussi vulnérable. Ça lui donne des envies de meurtre. Un jour, il finira en taule pour elle mais là, il donnerait n’importe quoi pour pouvoir réparer son visage détruit et retrouver son air insolent, effleurer la douceur de sa peau rosée.
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@ Bonnie B. Hall

Bonnie B. Hall
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Mar 3 Jan - 21:25
I’m on the edge of a knife
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« Qu’est-ce que j’t’avais dit ! » La paume de main s’écrase dans un geste sec contre la joue de la jeune femme rousse, tremblante, acculée contre un mur. Le corps est frêle et a perdu de ses douces rondeurs. Les cheveux, d’ordinaire entretenus religieusement, ont perdu de leur superbe, n’ont plus aucune brillance et se tiennent en pagaille. Les épaules sont affaissées, un bras serré contre le ventre, l’autre se redresse par réflexe pour amener la main à toucher la zone heurtée. 
Ce simple geste suffit à relancer le prédateur, qui saisit l’opportunité pour lui attraper le poignet et le serrer avec force, la forçant à se coller un peu plus contre le mur et à redresser son visage vers lui. 
 
Bonnie laisse échapper un gémissement de peur, une plainte pathétique, qui témoigne plus de sa peur que de sa douleur. 
Elle sait qu’elle a merdé. Elle voit sa vie défiler devant ses yeux : et ce qui ne lui semblait qu’un cliché de films semble prendre corps. Ce ne sont pas des souvenirs qui s’amassent devant ses yeux, mais les signes réels d’un danger concret. Son cœur bat à toute vitesse, la tête lui tourne. La rousse se voit déjà mourir, sa courte et pitoyable existence va prendre fin dans la petite maison de Jay. 
 
« J’t’ai dit : pas d’entourloupe. 
— J’ai rien fait… 
— Et ça c’est quoi ! » 
 
L’homme brandit la lettre sous les yeux de la rousse, qui n’ose poser les siens sur le papier qu’elle connaît. Elle sait déjà ce qu’il y a d’écrit, ce qu’elle a raturé de nombreuses fois pour reformuler. À cet instant, Bonnie se demande pourquoi elle n’a pas choisi simplement de lui envoyer un sms. Pourquoi est-ce qu’elle avait voulu complexifier le processus ? Pour ne pas laisser de traces, s’était-elle dit alors, car il vérifiait trop souvent son téléphone. Elle avait réussi à cacher le numéro d’Alexander parmi d’autres contacts, mais s’il avait répondu… s’il l’avait appelée, alors Jay l’aurait su. Et elle serait morte encore plus tôt que ce jour-là. 
Quel jour est-il d’ailleurs ? Aura-t-elle la chance de connaître la date de sa mort ? 
Elle avait eu raison, alors, plus jeune, lorsqu’elle disait qu’elle mourrait à ses vingt-sept ans. Comme ses idoles. Mais Bonnie ne mourra pas en icône. Ex-junkie, strip-teaseuse à la retraite, femme battue, oubliée, une moins que rien. Finalement, son père l’avait préparée à cette vie-là. 
 
« Réponds-moi ! Le petit ami – le prédateur – la secoue comme pour la sortir de sa transe, perdue dans ses pensées éparses. Bonnie n’arrive à se raccrocher à rien d’autre que ce sentiment d’urgence lui intimant de se rappeler la date du jour. 
— C’est pas c’que tu crois, Jay…
— Ah bon c’est quoi, une liste de courses peut-être ? Il lâche brutalement le poignet et elle n’ose plus bouger. Pour un peu, elle se pisserait dessus, si elle avait assez bu pour ça ces derniers jours.
— j’a…j’allais pas lui donner ! » Ce sursaut de vie ravive la colère de l’agresseur, qui cette fois désire lui enlever toute envie de lui répondre aussi férocement. La lettre tombe au sol et la main s’enroule autour du cou. Bonnie se sent tirée en avant puis renfoncée avec force dans le mur. Son crâne heurte la surface avec rudesse et des petites lumières se mettent à lui danser devant les yeux. L’air se coupe, tout à coup, et le sol semble quitter ses pieds. Les deux mains autour de son cou lui enlèvent sa capacité à respirer. Son seul réflexe est de frapper, au hasard, alors que sa vision devient floue. Ses ongles déjà cassés attrapent à tour de rôle l’épaule, griffent la joue, l’avant-bras. Elle cherche de l’air, à grand renfort d’aspirations ridicules, interrompues par la poigne masculine. Elle ressemble à un poisson hors de l’eau qui s’étouffe. Son visage devient rouge, son corps continue de se battre malgré l’envie tenace d’abandonner, de le laisser en finir avec elle. 
 
Et quand Bonnie croit que son heure est venue, et qu’elle va enfin tomber dans l’inconscience ; quand elle croit rendre un dernier soupir étriqué, les mains accrochées aux poignets de Jay, elle retrouve l’air alors qu’il la jette au sol avec toute la force d’un conjoint bafoué. 
Elle prend des inspirations bruyantes, erratiques, toutes de travers et elle tousse. Respirer ne semble plus être un réflexe alors que tout se mélange. Ses mains se portent à son cou, trace le contour de la douleur. À genoux sur le parquet, Bonnie se laisse tomber.
Enfin, de l’eau remonte jusque ses yeux et hydrate ses paupières largement écarquillées. 
Les tremblements redoublent, Bonnie est morte de peur alors qu’elle ignore où exactement se trouve son petit ami, son cauchemar. D’un geste désordonné elle remonte ses cheveux et lève les yeux vers la menace. Il se tient là, debout, le visage crispé. Une veine palpite sur le côté de son cou. Jay n’exprime que mépris et colère.
D’un geste rageur, il récupère le papier de la lettre tombé au sol et Bonnie sursaute, ferme les yeux très fort, appréhendant le prochain coup ; mais celui-ci ne vient pas. 
 
« Alex,
— Non, non, non…
— Ferme-là ! Elle gémit, retient un sanglot. Je ne sais pas par quoi commencer. J’imagine que je devrais m’excuser. Je voulais te dire que je ne voulais pas partir, pas comme ça… Bah tiens… Si c’est pas de la connerie ça !
— J’t’en prie.
— Je lis ! J’arrive à la meilleure partie : Bla bla blaaa, j’ai eu peur, bla bla, je ne savais pas comment te le dire, bla bl… ah ! Voilà ! Je pense à toi, et tu me manques. Aaaah ! Il te manque hein ? Sale petite garce ! Jay attrape les cheveux roux et rapproche le visage de Bonnie du sien, lui extirpant un hoquet de stupeur et une plainte de douleur en même temps. J’m’occupe de toi depuis tout c’temps et c’est comme ça que tu m’remercies ? En cherchant à envoyer des messages à ton petit copain ?
— Non
— Tu m’dégoutes, espèce de sale menteuse. T’es une raclure. T’es rien, Bonnie. » Des larmes brûlantes s’écoulent sur les joues de la rousse qui n’ose rien répondre, ne désire pas davantage impulser la colère de son tyran. S’il lâche maintenant ses cheveux c’est pour mieux l’attraper par le col de son pull en laine foncé et la faire glisser sur le parquet en direction du salon. Elle ne sait pas d’où ça lui vient, mais Bonnie se débat. Et elle se dit, à cet instant-là, qu’elle aimerait que son corps abandonne, comme l’a déjà fait son esprit. L’expérience s’en trouverait surement moins douloureuse, plus rapide. Sa hanche râpe douloureusement sur le bois, puis son corps arrive enfin à retrouver le sol alors qu’il la lâche au milieu de la pièce. Jay, debout, la surplombe de toute sa hauteur, et alors qu’elle essaie de se redresser, il s’élance et lui assène un coup de pied suffisant pour la coucher à nouveau.
 
« Ne me réponds pas s’il te plaît et n’appelle pas les flicsLe petit ami émet un bruit sarcastique, semble rigoler dans sa barbe. Pathétique. Si tu croyais que ça allait m’échapper. » Il secoue la tête, semble désespéré. Bonnie se soutient, les mains posées sur le parquet, la tête basse. Elle a peur de rencontrer le regard de l’agresseur, se dit que le moindre écart sera ce qui l’achèvera. La colère irradie de la silhouette menaçante, elle a l’impression de sentir jusqu’ici la chaleur qu’il émet en contradiction avec le froid glacial qui l’étreint. C’est la mort qui s’approche, la terreur venimeuse qui la fait trembler comme une feuille. Un sursaut la prend alors que la lettre finit au sol, froissée, réduite en boule. Ce geste lui fait un mal fou, les larmes s’écoulent de manière perpendiculaire à son visage et viennent s’écraser sur le bois à grosses gouttes. Bonnie essaie de retenir ses sanglots, ne veut émettre un bruit qui relancerait la machine, elle en est sure. La rousse avait mis son cœur à l’ouvrage. Alexander n’aurait jamais conscience de ça. Il la détestait surement à l’heure qu’il est. Elle mourrait haïe de la seule personne qu’elle avait aimé d’un amour sincère, pur et de la main d’un autre qui lui rendait certainement son karma. Elle avait trop joué avec le feu, trop semé le chaos, voilà que tout lui revenait à la figure maintenant.
 
Après avoir essayé tant de fois d’en finir, Bonnie se rend enfin compte qu’elle ne veut pas mourir. 
Mais se laisser aller lui semble la solution la plus simple à cet instant, la douleur trop lourde à porter.
 
« Je suis désolée, Ethan. La fin de sa lettre résonne par la bouche de Jay. Mais il déforme les mots, l’intention. Alors qu’elle y mettait son plus sincère sentiment, lui remplissait ces quelques mots de mépris. Il n’y avait qu’elle, de plus, pour l’appeler par son deuxième prénom. C’était à eux. Mais ça ne l’était plus, maintenant. Elle l’avait abandonné, il l’avait surement oubliée, mise de côté, par colère. 
Bonnie commençait à redresser ses genoux, pour se retrouver à quatre pattes, instable, la peau râpant à travers son jean déchiré sur les lattes vieillies par le temps, mais la voix de celui qu’elle avait pris par erreur pour un amant s’élève à nouveau. Dis-moi que tu n’es pas allée le voir, Bonnie ? » Les genoux craquent, Jay se retrouve presque à sa hauteur, sa main s’approche du visage meurtri, aux lèvres fendues, et repousse d’un geste tendre les cheveux roux en bataille. Il observe le visage martelé d’hématomes, fermé, mais le redresse en saisissant le fin menton. Bonnie retient un gémissement de douleur, ne relève pas les yeux. Elle ne sait pas, à cet instant, ce qu’elle doit répondre. Son instinct ne lui répond plus. Son cerveau lui hurle de mentir, mais après tout, ne serait-ce pas plutôt une demi-vérité ?
 
Elle y était allée, oui. Elle avait pénétré les lieux de son ancien établissement de travail, là où elle dansait avant de démissionner brutalement et y avait vu son ancien patron. La lettre dans la poche intérieure de sa veste, prête à la balancer à son ami d’enfance et à s’enfuir de nouveau. L’ex-junkie avait eu le courage de s’y pointer, en heures de fermetures. Cal avait été ravi de la revoir, s’inquiétant pour elle, sentiment étrange pour le patron d’une boite de nuit. Elle avait demandé s’il était là, prenant conscience du risque qu’elle encourrait en venant jusqu’au club. Bonnie avait senti son cœur battre, l’urgence lui brûler le visage. Elle avait fait cliquer ses ongles sur le bar avec impatience et attendu la réponse. Il n’était pas là. Mais devait se pointer dans la prochaine heure. Alors Bonnie avait couru jusque sa voiture et s’y était enfermée, en l’attendant. Enfoncée dans le siège de sa Chevrolet foncée, seul bien qui la rendait encore reconnaissable. La nuit s’était installée sur la ville, et Bonnie avait attendu, regardant régulièrement l’horloge pour ne pas dépasser l’heure où Jay rentrait d’ordinaire. Elle avait déjà pris, au cas où, des boîtes de bouffe avec elle, justifiant de son trajet à l’extérieur s’il venait à rentrer plus tôt. Cachée dans sa voiture, elle crevait de chaud et de peur, sa jambe impossible à dompter faisait des sauts réguliers. 
 
Lorsqu’Alex était sorti de la boite, habillé de noir comme la tradition l’entendait afin de commencer son shift, elle avait eu l’espace d’une seconde l’impression de revivre. De voir un espoir apparaître. Son cœur s’était mis à battre à tout rompre, son regard s’était illuminé. Plusieurs mois l’avaient séparée de cette vision, de cette silhouette. Elle avait pensé pouvoir se défaire de son attachement envers elle en s’éloignant, pour respecter leur promesse d’enfant. Mais, alors qu’il se frottait les mains certainement pour se réchauffer et se replaçait droit face à la file de gens venus voir des filles danser, Bonnie s’était rendue compte de son erreur. 
La camée avait défait la sécurité des portières, et posé sa main sur la poignée puis ouvert la porte, le visage cache dans une capuche noire. Elle ne pouvait laisser ses cheveux la trahir. Elle avait saisi sa lettre, enfermée dans ses griffes rouges cassées et avait fait quelques pas dans la direction du nightclub.
Alors qu’elle s’approchait, le corps tremblant de peur et d’une excitation peu commune, la silhouette du patron s’extirpa des grandes portes noires pour venir à la rencontre d’Alexander.
Elle ne sait toujours pas pourquoi aujourd’hui, mais cette simple vue avait tout changé. Elle s’était arrêtée net et s’était rendue compte de l’erreur qu’elle venait de commettre, du danger dans lequel elle se mettait. Ses yeux avaient filé vers sa montre, vestige d’un cadeau du videur, et Bonnie s’était décidée, une nouvelle fois, à fuir alors que l’heure était passée. 
 
Alors oui, elle y était allée. Oui, elle l’avait vue. Mais elle ne lui avait pas parlé et il n’avait probablement pas vu sa mince silhouette, occupé à bosser. Alors, y’avait-il vraiment matière à se rendre coupable ? 
 
« N… non.
— T’es sure, Bonnie, que t’as pas fait un tour au Foxy la semaine dernière. Sa mince silhouette se remet à trembler, des larmes viennent l’aveugler, la silhouette de Jay devenue une sorte de tâche colorée. Elle avait dit non. Mais il savait. Bonnie se mit à regretter immédiatement son mensonge, sa demi-vérité. J’ai pas compris pourquoi t’y es allée, et j’ai trouvé ta petite lettre ce matin… T’arrives même pas à bien mentir. Il lâche son visage avec dédain, un sanglot s’échappe de ses lèvres, incapable de tenir plus longtemps. Bonnie se fait toute petite, essaie de se recroqueviller contre le profil du fauteuil derrière elle. Elle essaie de retenir les vagues de sanglots qui lui secouent les côtes, l’empêchent de respirer correctement. Son nez coule et saigne en même temps, mais elle essaie de ne pas y prêter attention, son regard planté sur le sol. Elle sait qu’il déteste quand ses pleurs se font bruyants. Qu’est-ce que je t’ai dit, c’était quoi la seule chose que je t’ai demandée. Jay s’est redressé, faisant les cent pas, la main crissant contre la barbe mal rasée. Bonnie ouvre la bouche, mais aucun son ne sort. Elle réessaie, se rentrant encore plus en elle-même, voulant se fondre dans la masse verte du fauteuil. BONNIE ! Sa voix rugit comme le tonnerre et la rousse sursaute violemment. Une plainte s’échappe d’entre ses lèvres, suivie d’un sanglot, alors qu’elle s’efforce d’articuler :
— J’dois plus voir…
— Tu dois plus… voir… ton merdeux d’ex copain. Sa voix chante, se superpose à celle de Bonnie. C’est ça, c’est bien, redis-le.
— Je dois plus revoir… un autre sanglot l’interrompt et cette fois, Bonnie est bien incapable de retenir les pleurs qui s’accumulaient au fond de sa gorge alors qu’elle donne tout ce qu’elle a pour finir sa phrase, mais rien n’y fait. La peur est telle et la douleur si lourde qu’elle n’y arrive plus et se contente de pleurer bruyamment, repoussant avec son dos le fauteuil alors que l’agresseur fait plusieurs pas rapides en sa direction et l’attrape par le bras.
— ARTICULE PUTAIN ! Il craque, furieusement, et la secoue dans tous les sens alors qu’elle ne s’arrête plus de chialer,
— Arr…ête…
— Articule et redis-le, petite pute !
— Lâche-moi, Jay ! » Un cri s’échappe entre deux sanglots alors que Jay lui hurle au visage. Elle en est la première surprise, son corps se débattant au sol comme une enfant et son talon heurte le tibia de l’agresseur. 
 
Elle se rend compte alors de son geste et la panique la paralyse d’un coup. Ses yeux remontent vers ceux de l’homme qui l’empoigne et elle voit, à cet instant précis, l’éclat furieux qui mettra fin à sa vie. 
 
« Non, non, non, non… j’suis désolée, Jay, j’suis déso— » Le coup n’attend pas la fin des excuses : poing s’écrase sur la fine pommette et en craque l’os. Les sanglots disparaissent sous les cris de l’homme devenu bête qui s’acharne sur Bonnie. Son corps ne supporte que quelques attaques avant de sombrer dans l’inconscience, et au milieu du salon de la petite maison de banlieue, la rousse devient pantin.
 
Ø
 
Du plus profond des ténèbres s’extirpent un ensemble de voix inconnues. Au début, elle ne sent rien. Rien que de la lourdeur, elle n’est pas même sûre d’être elle-même, d’être quelque part. Il lui faut un temps long, les yeux fermés, pour comprendre qu’elle était inconsciente et que son cerveau vient de se réveiller. Bonnie ne sent plus son corps, n’est reliée à l’extérieur que par ses sens qui s’éveillent. C’est l’ouïe d’abord qui capte des bribes de mots, des paroles qui s’entrechoquent, semblent interrogatives. Elle entend des bruits de machines réguliers. Des pas à sa gauche. Le froissement de papiers, le cliquètement d’objets qui s’entrechoquent. Elle entend de l’inquiétude, des questions, rien de plus. Puis son nez capte l’odeur familière de l’antiseptique et du sang. Elle voudrait ouvrir ses yeux, comprendre où elle est, ce qu’elle fait, mais malgré l’effort, ses paupières restent closes. La rousse sent pourtant que ses muscles lui obéissent… mais quelque chose l’empêche de les ouvrir. 
 
Bonnie perpétue ses efforts, alors que lui reviennent en mémoire des bribes de souvenirs. Elle commence à se rappeler ce qu’elle fait là. 
Elle n’est pas morte.
Mais elle n’est pas passée loin et les images qui s’incrustant dans ses paupières closes la plonge dans une terreur absolue. Son corps qui n’a pas perdu l’envie de se battre contre la mort semble se réveiller à l’évocation de ces souvenirs. Des gémissements douloureux s’extraient de ses lèvres, ses bras se remettent à bouger, la rousse hoquète de douleur et de peur et fait hurler les machines alors qu’elle se met à se débattre, les yeux toujours clos. La sensation de danger ne la quitte pas, et s’accroît alors qu’elle perçoit des mains se poser sur ses épaules, restreindre ses jambes. Ce qui n’était que des gémissements aigus se transforment en cris coupés, rauques, l’eau s’accumule derrière ses paupières et lui brûle les globes puis les joues alors qu’elle arrive à se frayer un chemin vers l’extérieur.
 
Elle entend crier autour d’elle, appeler à l’aide. 
La rousse se débat contre son agresseur, dont elle revoit l’air furieux lui cracher au visage. 
 
Il ne faut qu’une minute aux soignants et soignantes pour réagir, et lui administrer une dose colossale de morphine. L’ex-junkie est habituée aux produits forts et s’est donc réveillée, coupant la discussion de sa médecin et de deux policiers armés venus inspecter Bonnie à la demande de sa soignante. Le liquide clair remonte son intraveineuse et en quelques secondes, le corps secoué de spasmes se calme, son visage douloureux se décrispe et le sommeil vient la cueillir. 
 
Ø 
 
Son sommeil est d’un noir opaque, profond. Bonnie s’est lovée dans les ténèbres et voudrait ne plus en sortir. Il y fait si bon, si chaud. Plus rien ne semble l’y atteindre.
Le sédatif qui coule de manière régulière dans son système l’aide à flotter doucement. Le Dr Fumero a baissé la dose pour que celle-ci soit périodique et ne lui laisse plus sentir son mal aussi intensément. Pour la laisser dormir. 
Son esprit s’extirpe de l’inconscience avec difficulté. Le noir derrière ses paupières se désépaissit, et Bonnie capte un point de lumière qui les traversent, un peu loin, tamisé. Rien qui l’agresse mais qui la rassure plutôt. 
 
Elle flotte. Divague. Laisse son esprit petit à petit faire mentalement l’inventaire de ses membres. Elle compte ses dix doigts, en fait bouger quelques-uns, qui se soulèvent à peine sous l’ordre impulsé par son cerveau, mais quand même. Quand elle bouge certaines parties de son corps, imperceptiblement, ça la lance furieusement. Petit à petit, Bonnie recouvre ses sensations, et se rend compte que le simple fait de respirer la fait souffrir. Elle se sent incommodée par les deux entrées de tube qui lui sont insérées dans le nez. Son cou capte une légère brise mais le reste de son corps est au chaud. Son nez la gratte. Le plastique qui compose le tube et parcourt son cou ne l’embête pas plus que ça. 
 
Bonnie sent un poids contre sa tête, une légère caresse, douce attention, fait brièvement bouger ses cheveux. Derrière ses paupières, ses yeux s’agitent à la recherche d’elle ne sait quoi. Peut-être d’un peu de force pour ouvrir les yeux. Elle le veut. Bonnie en a assez des ténèbres, car sous la chape sombre se cachent des images prêtes à ressurgir et à la blesser à nouveau. Ces images ont des poings prêts à s’abattre. 
 
Sa main droite se crispe en un petit poing, ses phalanges semblent crisser avec le mouvement. Elle recouvre la sensation de ses empreintes digitales contre sa paume. Alors elle fait de même avec la main gauche, mais cette fois, quelque chose fait obstruction. Une autre main. Un tremblement se fait sentir, Bonnie comprend qu’elle n’est pas seule, et ça l’effraie d’un coup. Comme pour confirmer la présence inconnue, la rousse crispe à nouveau son poing gauche, enfonce ses doigts avec le peu de force qui lui reste dans la paume chaude qui l’enveloppe. Son cœur se met à battre et augmente à nouveau le rythme du monitoring qui n’est plus silencieux face à cette embardée. Sa respiration, qui se fait par mince à-coups, s’accélère. 
 
Bonnie se dit qu’elle doit ouvrir les yeux : alors elle fait un effort surhumain, immobile dans le creux du lit d’hôpital, tente de battre des paupières. Celles-ci sont lourdes, mais semblent moins encombrées que les heures précédentes, car elle arrive à force de persévérance à ouvrir un œil, puis deux. Deux fentes claires au milieu d’hématomes sombres. Elle ne voit pas grand-chose, ses yeux sont humides et peu ouverts, mais elle s’efforce d’observer autour d’elle. Elle bouge sa tête, par réflexe, pour se tourner vers la gauche mais le mouvement lui tire un gémissement plaintif, alors elle se stoppe. La rousse distingue enfin une forme, une silhouette, qui s’approche, pense-t-elle, bloque la lumière qui parvient de l’extérieur par des stores à moitié fermés. 
 
Elle met un temps fou, à le reconnaître, effrayée par la présence qu’elle devine masculine. Mais lorsqu’elle le fait, lorsqu’elle comprend qu’il s’agit d’Ethan, et non de Jay, un sanglot étouffé traverse ses lèvres, un sanglot audiblement soulagé.  Ses pupilles détaillent le visage inquiet, elle s’efforce d’ouvrir un peu plus ses paupières mais ne semble pas maîtresse de son propre corps, le visage endolori. Elle veut dire son nom, lui dire qu’elle l’a reconnu, mais les syllabes ne sortent pas : seul un gémissement plaintif, informe, traverse ses lèvres qui la brûlent, les blessures à vif. À la place, sa main serre un peu plus la paume masculine alors que sa respiration semble enfin se calmer. 
 
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Mar 3 Jan - 21:33
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Bonnie & Alex


Il n’est pas un fin observateur mais quand il s’agit de Bonnie, Alex fait gaffe à tout. Aussi, quand les yeux de la rousse s’agitent sous ses paupières abîmées et closes, le videur sent son cœur se catapulter en avant. Tout va vite, il a pas le temps de se poser des questions, il est juste là, au bord du ravin, prêt à rattraper sa princesse qui met une plombe à se réveiller. Il s’en fout, elle peut prendre trois heures si elle veut, il ne bougera pas. Même si ses poings le démangent, même s’il crève d’envie de quitter l’hosto étouffant pour retrouver l’air libérateur de la vengeance. Parce qu’il n’aspire plus qu’à ça, Alex. Venger Bonnie. Venger chaque coup qu’elle a reçu, chaque ecchymose qui fleurissent comme des pétales, chaque insulte, chaque effleurement. Tout ce qu’elle a reçu, Alexander le fera payer au centuple.

En attendant, il n’bouge pas. Il attend. Lui qui n’est pas bien patient, ravale tout son feu pour l’attendre. Ethan glisse sa grosse main dans celle si fragile de son amie d’enfance pour lui dire qu’il est là. Qu’il la lâche pas.

C’est fou comme elle a l’air fragile, une brindille qui plierait sous le poids d’une brise. Pourtant, elle était la plus couillu des meufs qu’il connaissait, un pitbull capable d’arracher la jugulaire au moindre connard qui viendrait la chercher.
Bonnie était tombée sur plus forte que lui. Un type qui s’était engouffrée dans une faille quelque part chez elle et y laissé moisir toute la pourriture. Ca le rend putain de dingue. Ca lui fait vriller les synapses quand il part dans ses délires obscures où Alex se dit que ça fait sûrement des mois que ça dure et que pendant que Bonnie se faisait éclater la gueule, lui, il s’éclatait les narines à cause de son égo froissé et de son cœur meurtri.

Alex a les dents serrées, la mâchoire crispée et les doigts fins de Bonnie se crispent sur sa paume. Les bip-bip qui l’insupporte s’agitent comme pleins de petites alarmes mais aucun toubib rapplique. Pas besoin parce que Bonnie ne sombre pas, elle remonte. Gray se penche en douceur vers elle, son visage près du sien. Elle pue le sang, la peur et la transpiration, mais l’odeur de Bonnie plane sous la surface. Il a respiré sa peau jusqu’à l’overdose, il la reconnaitrait sous n’importe quel autre odeur. Ca lui fout des crampes au ventre d’être si proche, de la toucher avec délicatesse et tendresse. Ca lui rappelle toutes ces après-midi à se shooter ou fumer et finir, comme les cadavres défoncés qu’ils étaient, devant un film à la con qu’ils ne regardaient pas. Se rappellent à lui des moments chauds en Californie à se prendre pour les rois du monde, rider à vélo sur les bords de la plage avec une Bonnie hilare, assise sur le guidon et lui, grand con qu’il était, à slalomer entre les bagnoles pour lui faire peur.
Mais ils s’en foutaient. Bonnie et Alex se foutaient de tout puisqu’ils étaient ensembles. Le monde n’avait pas voulu d’eux, bâtard de la société, alors ils avaient chié sur ce monde pour faire le leur et y arracher ce qu’on leur refusait.

Ils avaient fabriquer une famille avec leurs morceaux cassés, mais c’était la plus belle qu’ils avaient. Ils voulaient rien d’autre.

Alors quand Bonnie se réveille, Alex oublie la rancœur et le silence.
Parce que la rousse, c’est sa famille à lui. C’est son putain de soleil dans le noir, son feu dans les veines.

« Eh, princesse. » Il murmure près de sa joue. « Réveilles toi. »

Reviens, il est temps.

Elle entrouvre les yeux. Ils sont injectés de sang et humides. Ils sont fatigués. Mais ils sont putain de beaux quand même. Bonnie veut tourner son visage vers lui mais s’arrête, gémit de douleur. La plainte le bousille et embrase sa rage. La respiration de la rousse cavale parce qu’elle a mal, ou peur, il n’sait plus trop.

« Bouge pas. »

Il le fait pour elle, sans jamais lâcher sa main.
Le sanglot est une balle qui déchire ses chairs, transperce son cœur. Il le broie de l’intérieur.

Ethan veut l’enrouler contre lui et la garder dans ses bras pour toujours. Quand Bonnie gémit, il se dit que c’est ce qu’il aurait dû faire depuis le début. C’était son rôle de la protéger et de la tirer des emmerdes. Elle avait peut-être brisé sa promesse, mais Alex en avait fait autant en la laissant à la merci de cette sous-merde. Comment est-ce qu’il avait pu ne rien faire ? Comment est-ce qu’il avait pu laisser couler comme ça, comme s’il ne la connaissait pas par cœur, comme si, putain, elle allait vraiment le lâcher après tout ce qu’ils avaient traversé.

Alex a merdé. Il ne se le pardonnera jamais, comme pour les gosses qui ont été vomit dans les chiottes, comme pour son overdose. Elle lui avait craché à la gueule un jour, qu’il était responsable de toutes ces merdes, qu’il l’avait détruite trop de fois en lui plantant des gosses dans le bide et tant d’autres raclures qu’il lui avait faite.  

Ethan l’a abandonné sur trop de tableaux, sa princesse.

Les larmes tracent des sillons sur le sang séché, dévalent la peau marqué par du rouge qui n’va pas tarder à virer au violet. La main de Bonnie le serre plus fort et lui, il ose pas parce qu’il ne veut pas la briser plus qu’elle ne l’est déjà. De sa main libre, il pose sa paume sur le sommet de son crâne en douceur. Il a la gorge serré, à deux doigts de chialer.

« J’suis là Princesse. » Sa voix est caverneuse, basse. Il plante ses yeux bleus dans ceux de Bonnie qui le scrute, le soulagement en étoile dans les pupilles. « J’suis là, j’te lâche pas. Il t’arrivera plus rien. » Il dépose un baiser sur son front. Alex frémit. Il brûle. « J’te promet qu’il te touchera plus jamais. »

Il jure, promet, qu’il gardera en vie ce fils de sale race suffisamment longtemps pour lui faire payer tout ce qu’il lui avait fait.


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Mar 3 Jan - 21:34
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 « J’suis là Princesse. » Il y avait longtemps qu’elle n’avait pas entendu sa voix. Le surnom affectif n’était qu’un rappel du passé, le contenu ne comptait pas pour Bonnie qui s’attache plutôt à détailler encore la forme du visage, à s’imprégner du toucher. Comme il était bon de sentir une main tendre, et non un poing fermé sur le côté de son visage. Elle sent sa main serrer la sienne doucement, sans trop appuyer. Bonnie a encore du mal à se faire à l’idée que son ami est là, à ses côtés. Elle l’avait abandonné des mois plus tôt, avait voulu revenir, certes et s’était faite court-circuitée par sa peur, mais il ne le savait pas. Il avait le loisir de s’imaginer tout ce qu’il voulait d’elle. Elle ne lui en voudrait pas… ou en tout cas pas longtemps. Ou peut-être pas du tout. La Bonnie qu’il connaissait s’était évanouie il y a bien longtemps, derrière les poings et les attaques répétées de Jay. Elle était transformée. Il avait éteint son feu. 
 
Ses yeux ne quittent plus les siens, même si elle le voit flou. Ses longs cils l’empêchent de voir correctement et l’eau dans les yeux ne l’aide pas. Elle a du mal à entendre ce qu’il dit, épuisée par les changements que subit son corps fatigué et battu. Elle est rompue, n’est même pas capable d’avoir la main sur la totalité de ses membres. 
 
Son cœur s’envole, fait une embardée alors qu’il s’approche d’elle. Ce n’est cependant pas de l’amour qui fait à nouveau résonner le monitoring, d’un coup, mais de la peur. Bonnie sent son corps se remettre à trembler, doucement, et sa main serrer celle de son ami comme par réflexe. 
Elle ne comprend pas elle-même cette réaction, sait, au fond, que le geste est des plus protecteurs, des plus affectueux. Mais l’acouphène est là, l’urgence met en route la même sirène affreuse qui l’avait convaincue de sa fin imminente quelques heures plus tôt. La rousse n’entend même pas la promesse qu’il lui fait. Ses sourcils se froncent de peur et d’incompréhension, et ses yeux s’ouvrent enfin en grand pour révéler l’étendue de la peur qui l’étreint. Ses yeux cherchent autre chose que la silhouette d’Alexander à accrocher, l’eau qui dévale désormais ses joues lui brûle le visage. Bonnie retient des sanglots, se sent remise en mouvement. Son instinct lui dit de fuir, sa main s’accroche pourtant de toutes ses maigres forces à la main de son ami. 
 
L’ex-junkie essaie tant bien que mal de se raisonner, incapable de verbaliser son mal, les pensées tournent à toute vitesse. Il n’a pas voulu. Il ne sait pas. Ce n’est rien qu’un baiser, comme il lui en a fait des milliers, des baisers comme elle en avait manqué cruellement, pensant qu’il serait simple de s’éloigner pour se guérir de son affection. Jamais il n’avait levé la main sur elle, et il ne commencerait pas de sitôt. Tout son être lui hurle qu’il n’est pas comme ça, que même lorsqu’il crevait de manque, dans leur salle de bain de l’époque, même lorsqu’elle avait jeté les restes de drogue sous ses yeux il n'avait pas faibli. Il avait failli, mais il ne l’avait pas fait. La peur sur le visage de l’ancienne enfant battue l’avait stoppé net dans son geste. Il l’avait vue, au plus bas, plus vulnérable que jamais et s’était arrêté malgré la douleur et le manque qui le tourmentait. 
 
Mais Bonnie avait beau essayer de rationnaliser, de reprendre tout ce qu’elle connaissait de son ami d’enfance, rien n’effaçait la peur de ses entrailles ; si bien que le monitoring se mit à biper de plus en plus vite, ses doigts bouger frénétiquement et ses paupières battre pour effacer l’eau de ses yeux. Sa respiration s’affole et se coince parfois dans sa trachée qui a du mal à faire son travail. Le calme qu’elle avait retrouvé quelques minutes plus tôt s’est évanouie aussi vite qu’il était venu. 
 
Ses pensées sautent d’une pierre à l’autre. Sa peur nouvelle et inconnue d’Alexander l’emmène sur un autre terrain, sa présence lui est dangereuse à bien des égards. Si Jay le trouve ici, il finira le travail commencé. Cette pensée soulève une nouvelle vague de terreur, s’accompagne des images en pagaille qui lui restent de sa soirée sous les poings de son petit ami. S’il la trouve ici, avec Ethan, alors…
 
« Je suis désolée, Ethan. » Les mots lui résonnent dans les oreilles, la colère qu’il avait infiltré à ses propres écrits la fait frissonner, lui donne une violente nausée. Elle a l’impression que ses douleurs se réveillent à l’évocation de son agresseur : son cou la tire, sa poitrine se creuse sous la panique causée par les souvenirs qui rappliquent à toute vitesse. Bonnie ne regarde même plus son interlocuteur, ses yeux parcourent le décor à toute vitesse, ne se fixe sur rien, passe d’image en image, du souvenir d’un poing, ou de ses mains autour de son cou, ou du crachat qui lui arrive au visage, la botte qui s’enfonce dans son ventre. Elle a l’impression de sentir sa peau râper sur le parquet, d’avoir ses mains qui la touchent de partout. 
Bonnie se sent salie, prise au piège, et la tête lui tourne, tout à coup. Elle est concentrée sur les hurlements de Jay qui lui résonnent aux oreilles, n’entend pas le vacarme autour d’elle, la voix d’Alexander, le retour d’un soignant, la porte qui claque, l’infirmer s’exprimant lui aussi. 
La rousse se sent comprimée, les sanglots roulant dans sa poitrine et s’écrasant contre ses lèvres. Rien ne semble sortir dans l’ordre, elle essaie pourtant de parler mais rien ne s’échappe d’autres que des plaintes geintes, gargouillis informes de douleur et de peur. 
La porte claque à nouveau et la fait sursauter à travers les soubresauts. Elle sent des mains la tenir, son corps la tirer dans tous les sens. Son corps est en contraste : elle se sent glacée, comme si tout son sang l’avait quittée et pourtant tous ses muscles semblent en feu.
 
Et puis, sans que la rousse ne saisisse ni comment, ni pourquoi, elle se sent engourdie. Ses jambes sont les premières à s’arrêter de bouger, ses poings se desserrent, sa main gauche desserre celle qu’elle n’avait apparemment pas quittée. Sa tête tourne encore, le plafond fait des cercles au-dessus d’elle, ses paupières papillonnent. Elle se sent épuisée alors que ses muscles se relâchent. Bonnie s’enfonce dans du coton, soupire longuement alors que sa respiration revient doucement à la normale, interrompue par des râles dus à la sécheresse de sa gorge. L’étau qui s’était refermé sur son crâne se desserre, et si elle a encore l’impression d’avoir des mains qui la parcourent et se resserrent autour de son cou, le reste semble commencer à disparaître. La partie encore réveillée de Bonnie se dit qu’elle va sentir longtemps les mains fermées autour de sa nuque. Les hématomes une fois disparus ne laisseront cette douleur fantôme. 
 
Bonnie a du mal à garder les yeux ouverts mais elle s’y efforce, ne veut pas se rendormir, ne veut pas repartir près des images qui l’attendent. Elle ne veut pas laisser de place à l’inconscient. Ses yeux reviennent s’accrocher à la silhouette restante. La jeune femme perçoit une autre forme, derrière lui, une blouse blanche, mais elle ne l’intéresse pas. Alexander l’intéresse, seulement.
La morphine semble lui avoir fait oublier sa peur. 
 
Ses lèvres se mettent à bouger, mais aucun son ne semble en sortir. Elle s’en rend compte, et ça l’agace, alors elle fronce les sourcils, ses paupières se ferment. Il lui devient dur de rester éveillée. 
 
« il va… Bonnie fait un effort, murmure tout bas, ses yeux qui violacent méchamment ne s’ouvrent plus. …si t’es là… la diction est lente, basse, la voix enrouée. Il va me tuer. »
 
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Mar 3 Jan - 21:36
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Bonnie & Alex


Ca s’affole sur toutes les machines, dans tout le corps de Bonnie et Alex pige pas pourquoi, tout à coup, ça fout un bordel pas possible. Il s’écarte, surprit, cherche à comprendre pourquoi elle s’agite. Les yeux de la rousse papillonnent et décolle dans la pièce, dans tous les sens et sa respiration s’emballe comme si elle avait la mort aux trousses.

« Eh, qu’est-c’que t’as ? J’appelle un toubib ? “

Sa question est pire que conne.
Qu’est-ce qu’elle a, d’après toi, ducon.

Y a pas que les os qui sont fracassés, y a aussi dans sa caboche un esprit qui cherche la fuite et l’ennemi. Il reste accroché à sa main ou, plutôt, Bonnie l’agrippe férocement avec sa petite paume glaciale. Alex s’est levé sans se détacher de sa prise, lui aussi s’affole comme les machines parce qu’il tremble à l’idée de la voir crever sous ses yeux. Il a peur qu’elle fasse une crise, qu’elle ait un trauma-crânien qui vire en AVC, qu’elle s’étouffe dans sa peur. Il connait que dal à la médecine, il pige rien Alex. Il a l’impression d’avoir à nouveau huit pige, paumé, seul, véritable demeuré qui ne sait plus quoi faire de sa carcasse trop grande pour cette piaule trop petite avec toute l’armée médicale qui rapplique.

« Poussez-vous, s’il vous plait. »

Alex ne répond pas, il regarde. Profondément. Un coup d’œil d’acier, une lame de couteau dans l’âme et l’infirmier ferme sa gueule parce que non, il n’bougera pas. Pas avec cette main dans la sienne, alors qu’il vient d’promettre qu’il ne la lâcherait plus jamais.
De toute façon, il veut être là pour les voir s’agiter autour d’elle, l’œil partout où il peut pour guetter tous les gestes qu’ils font. Jamais Alex n’a eu confiance aux hôpitaux et au personnel soignant et il se fout bien de savoir si c’est juste ou non. Alors il observe et, d’un coup, ça lui saute à la gueule comme une mine planquée sous le sable.

Des traces presque parallèles zèbres le cou de Bonnie.
Des traces de doigts.

Ce sac-à-merde à chercher à l’étouffer ?
A la tuer ?

Les sanglots l’arrachent au carnage qu’il imagine dans son esprit brûlant.
Elle le rappelle à la réalité, aux faits. Là, tout de suite, la mort de Jay doit attendre parce que Bonnie a besoin de lui. Il dit rien mais ne lâche pas sa main, la boule au ventre, les nerfs en vrac. Encore une fois, Alexander veut tout bousiller parce qu’elle pleure. Il ne lui faut pas grand-chose pour vouloir tabasser le monde. Juste, Bonnie en larmes et il devient une bête violente avec la rage aux lèvres. Et là, il veut dégommer l’infirmer qui essaie de piquer le bras de son amie mais qu’il n’y arrive pas parce qu’elle arrête pas de s’agiter, qu’elle se débat. Il essaie une fois, puis deux. La troisième, Alexander est à deux doigts de lui crever l’œil avec sa seringue et de lui enfoncer la perf dans le cul.

« OH ! T’as la polio ? Son bras c’est pas l’putain d’canevas d’ta grand-mère alors BOUGE DE LA ! »

L’infirmer, un p’tit brun un peu joufflu, veut lui répondre, sûrement pour lui dire d’aller s’faire mettre parce qu’il ne fait que son job. Ethan n’attends que ça, qu’il réplique. Il n’attend qu’une étincelle pour pouvoir laisser hurler ce putain d’incendie qui le bouffe, en attendant de pouvoir éclater la gueule de Jay.
Le Dr Fumero prend les devants, s’applique, pique et l’effet est presque immédiat.

Bonnie, dans un soupir de soulagement, semble s’apaiser. Quand elle respire, ça racle. Ethan a la gerbe. Il a l’impression qu’elle aspire des petits cailloux qui lui écorchent les bronches. La main de Bonnie toujours dans la sienne, ses yeux ne la quittent pas et il l’observe, shootée à la morphine, le visage fracassé presque apaisé. Il n’sait plus où poser les yeux tellement les plaies sont multiples.

« Vous lui avez filé quoi ?
- De la morphine. » Fumero, juste derrière lui, observe la scène en retrait. « Votre amie est traumatisée, il se peut que ce type de crise se reproduise. »

Sans déconner.
Bonnie articule un truc mais il n’entend rien. Il a l’impression qu’elle lutte pour ne pas sombrer mais lui, n’attends que ça qu’elle ferme les yeux pour pouvoir quitter l’hôpital et aller rendre une visite de courtoisie. Mais Bonnie Hall en a encore dans le ventre. Alexander s’approche, cette fois debout, sa main toujours dans la sienne.

« Il va… » Putain. Ca fait combien de temps qu’il a pas entendu le son de sa voix ? Combien de putain de jour sans même entendre un soupire ? « Si t’es là… Il va me tuer. »

La foudre déchire son crâne en deux.
Bonnie a dit beaucoup de connerie dans sa vie, elle est la reine de l’exagération, une Drama Queen qui se donne un genre, mimant la tristesse ou le caprice. Là, ils sont à des années lumières de tout ça. Ils sont plus dans leur petit jeu à la con.

Si Bonnie dit qu’il va la tuer, c’est qu’elle y croit dur comme fer. Qu’elle sait de quoi est capable Jay. Dans sa tête, ça tourne à plein régime.

C’est pour ça qu’ils se voyaient plus ? Pour ça qu’elle avait coupé les ponts ?

Jay, malgré lui, coche toutes les options de sa mort prochaine. En plus d’avoir démolit sa princesse, il l’avait tenu éloigné de lui comme si elle n’était rien d’autre que son putain de jouet de baise et son punchingball.

« Qui ça, il ? »

La voix de Fumero est lointaine dans l’esprit d’Ethan.
Jamais il n’aurait cru qu’une personne capable de terroriser à ce point son amie existait sur terre. De nouveau, les derniers mois défilent si vite quand le videur repense au calvaire quotidien qu’elle a enduré, sous l’emprise de cette sous-merde.

Ethan a envie de poser ses mains autour de son visage mais retient son geste, s’accroche un peu plus à cette paume dans la sienne. Il se penche vers Bonnie qui papillonne des yeux, en pleine lutte contre un sommeil qui la guette.

« Ecoute moi Bonnie. Eh, écoute. » Ils se regardent en silence, une seconde, peut-être deux, mais ils se fixent comme si le monde n’existait plus. « Il t’arrivera rien parce que j’quitterais pas ta piaule, il y foutra pas un pied. Tu risques plus rien, c’est fini. Tu l’reverra plus jamais. »

A la minute où elle peut sortir de cet hosto de redneck, Alex l’arrachera à son enfer.

« Ca fait combien de temps qu'il t'fait ça, tu sais où il peut être ? »

Sûrement qu'elle pourra pas lui répondre, mais il le tente.

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Mar 3 Jan - 21:37
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La morphine fait son petit effet, Bonnie se sent flotter. Les sensations douloureuses n’ont pas complètement disparu, après tout, difficile d’effacer chacune de ses plaies. La morphine n’est pas magique, ne peut tout défaire. Mais la douleur lui est soudainement beaucoup plus supportable. Elle retrouve une respiration plus tranquille, peut se concentrer sur sa lutte contre le sommeil. 
L’avantage d’avoir arrêté la drogue est que le sédatif redevient efficace. Quelques mois plus tôt, alors que la rousse se shootait au prozac, Jay lui avait enlevé ses pilules et enfermé à l’intérieur de la maison. Il ne voulait certainement pas d’une junkie sous son toit, pas quand celle-ci devenait toute lisse, avec ses médicaments. Bonnie était docile sous antidépresseurs, mais ça n’était pas ce qu’il avait aimé chez elle. Il avait repéré le jeu qui l’agitait, son impertinence perpétuelle, sa façon de renvoyer chier tout et tout le monde sans faire de distinction de genre, de richesse ou de niveau d’autorité. C’est ce qu’il voulait. Au début, leur relation avait démarré de la manière la plus banale. Ils s’étaient rencontrés alors qu’elle était venue danser avec Alexander et leur ancien ami. Ses pensées étaient toutes entières à Alexander et pourtant, elle s’était enchaînée à cette nouvelle relation, en espérant rompre le charme qu’Ethan lui avait jeté. Ça n’avait pas été très efficace, mais Bonnie était bornée. 
Au fur et à mesure du temps, Jay était devenu jaloux, possessif. Ce qu’elle avait considéré comme une marque d’affection devenait dangereux, jusqu’à ses premiers coups. Elle bossait encore au Foxy, et se souvient avoir galéré au nouvel an pour danser, le corps martelé d’hématomes. Elle ne voyait plus Alex. S’était quand même décidée, sous l’effet de l’alcool et des cachets à lui révéler la trahison. Elle avait rompu sa promesse et s’était entichée de cet abruti. Ou plutôt, la rousse s’était rendue compte qu’elle n’avait jamais eu d’autre amour que son meilleur ami d’enfance, et avait pris petit à petit connaissance de cette affreuse réalité qu’elle ne savait pas gérer.
 
Sa solution avait été de fuir. Il avait Carter, de toutes façons. Il se serait reconstruit. 
Ce qui avait commencé comme un nouveau départ, les larmes de Jay en excuse pour ses actes, lui assurant qu’il ne pouvait que l’aimer tendrement à partir de maintenant, avait vite tourné au désastre. Bonnie n’avait pas su se retourner à temps, ni même comment elle avait réussi à se laisser avoir. Elle qui avait pourtant tant de caractère et s’était battue à maintes reprises. Tout lui avait échappé. 
 
Ses pensées divaguent, se jettent dans tous les sens, les yeux fermés. Elle n’arrive pas sans mal à soulever ses paupières, se bat contre le sommeil qui la guette, les ténèbres prêtent à l’enrouler. Son visage bouge doucement, pour l’aider à tenir. Il lui faut un effort certain pour rouvrir les yeux, rappelée à la réalité par la voix basse d’Alexander. Elle plante ses yeux dans ceux de son ami d’enfance. La lumière la brûle. Elle ne l’écoute qu’à peine, en réalité, ne capte que des bribes de ses paroles.
Celles-ci ne lui plaisent pas, d’ailleurs, et ne la rassurent pas pour un sou. Alex ne sait pas de quoi il parle. Il ne peut rien lui promettre, n’est pas en mesure de lui offrir une sécurité à toute épreuve. Elle fronce les sourcils, se dégagent du contact visuel qui devient compliqué à supporter. Ses yeux se referment, son visage est crispé. Chaque froncement lui fait du mal, réveille les bleus sous la peau, tire l’épiderme sec. 
 
« Ça fait combien de temps qu'il t'fait ça, tu sais où il peut être ? »
 
Son visage se ferme davantage, elle ne veut pas répondre. Elle n’en sait rien. Elle voudrait fermer ses oreilles, ne plus l’entendre. 
Bonnie râle. Laisse échapper un bruit agacé et plaintif à la fois. Ce qu’il lui demande est trop dur, après tout, pourquoi lui parler de ça, lui parler de lui. Elle a assez avec le tourniquet d’images qui s’imposent à son esprit. Elle sent la chape se soulever, les souvenirs remonter, mais une autre voix l’extirpe du cauchemar à venir et Bonnie réouvre les yeux de surprise, ne s’attendant pas à la voix féminine.
 
« Dormez, Mrs Hall. Des officiers de police sont devant… » Bonnie n’entend pas le reste. Le regard supplicié qu’elle venait d’adresser à son médecin disparaît derrière ses lourdes paupières. L’ordre est donné, la rousse a l’impression d’acquiescer alors que son visage retombe et que les ombres finissent par avoir raison de sa conscience troublée.
 
**
 
« Mr Gray, pourriez-vous venir avec moi ? » Le Dr Fumero ne s’approche pas de l’homme, visiblement à cran. Elle avait cru l’espace d’un instant qu’il se serait laissé aller à cogner son collègue infirmier. Elle connaît ce genre de types, en a vu passer des dizaines par ici, toujours à se faire recoudre. Elle sait aussi que c’est le genre de gars capables de mettre une femme dans un lit d’hôpital de cette manière. Les hommes violents, emportés, se croyant maîtres de tout. Elle ne sait pas ce qu’il en est, cependant : sa patiente avait eu peur de lui, mais pas tout de suite. Elle s’était sentie rassurée, d’abord, elle l’avait vu à travers les stores. 
Son cœur allait tout entier à ces femmes victimes de violences. Chaque fois, ça lui brisait le cœur. Elle perdait de sa neutralité scientifique et essayait toujours de faire encore plus que ce qu’elle ne faisait déjà. C’est elle qui avait appelé la police, et eux qui la connaissaient n’avaient pas attendus. Ils savaient que Fumero ne rigolaient pas, qu’elle mettait toujours la main sur des cas urgents. 
 
Elle observe en retrait, regarde la femme rousse s’endormir, comme si elle lui avait obéi avec docilité. Le regard triste qu’elle lui avait jeté avant de définitivement fermer les yeux lui avait broyé le cœur. Elle ressemblait à une enfant perdue, rien de plus, volée de sa superbe. Elle n’avait pas manqué de l’œil les cicatrices fermées de piqures au creux du bras, n’avait cependant fait aucune réflexion, les voyant cicatrisées. Ses yeux retombent sur le bras de la rousse et suivent le trajet jusque sa main, n’ayant pas quitté celle du nouvel arrivant. Le contact d’urgence. « J’ai à vous parler. Vous pourrez revenir ici et rester comme vous le souhaitez par la suite. » Sa voix est douce, tranquille, se veut convaincante et surtout bienveillante. La médecin n’attend pas de réponse et s’éloigne déjà, ouvre doucement la porte pour ne pas réveiller sa patiente et attend l’ami de la rousse à l’extérieur. Lorsqu’il se décide enfin à sortir de la pièce, visiblement inquiet et en même temps bouillant de rage, Elena Fumero sait qu’il va falloir qu’elle pèse chacun de ses mots.
Elle l’observe, sans jugement et garde la voix basse, comme pour protéger l’intimité de sa patiente et de son ami.
 
« Je sais que vous voulez faire au mieux. Mais il va falloir se restreindre sur les questions à lui poser, et lui laisser de l’espace. » Elena s’efforce de garder un ton placide, tranquille. Il n’est pas question de lui dire qu’il fait mal, mais de l’aider à faire mieux. « Nous n’avons aucune idée de ce qui lui est arrivé, nous ne pouvons que constater l’étendue des dégâts. Votre amie… l’a échappée de peu. Elle présente de nombreuses blessures, qui ne datent pas seulement de cette nuit. » Elle lève la main, l’interrompt avant même qu’il ne s’emporte, car elle le voit dans ses yeux, comme il part au quart de tour. Avec le temps, elle a appris à lire ces hommes-là. Sa méfiance s’est atténuée, mais il lui faut être sure et elle préfère qu’il reste jusqu’à une interrogation de la police. Même si elle ne lui verbalisera pas de cette manière. Elena ne sait jamais et préfère prendre des précautions. « S’il vous plaît. Chaque… mot, chaque geste peut être déclencheur d’une nouvelle crise de panique. Si vous voulez l’aider, et puisqu’elle semble avoir le besoin de se raccrocher à vous, vous devez rester calme. Et rester là. Rien de plus. Plus de questions, c’est entendu ? » Elle passe un contrat avec lui, Fumero ne peut pas le laisser avec sa patiente s’il déclenche des crises par ses tentatives de rassurance.
 
« Les officiers de police ne vont pas tarder à revenir. Ils vous poseront quelques questions, notamment parce que vous êtes son contact d’urgence. Puis-je vous demander, cependant, de qui votre amie parlait ? »
 
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Alexander E. Gray
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Mar 3 Jan - 21:37
I’m on the edge of a knife
Bonnie & Alex


Elle lui échappait déjà. A peine l’avait-il retrouvé, que Bonnie le fuyait avec son air fermé, ses plaintes agacés. Alex comprend pas à quel point il merde, qu’il n’est qu’une brute qui comprend que dal à la psychologie alors que si un autre type, à sa place, aurait autant bousculé son amie, il l’aurait encastré dans le mur de l’hosto. C’est un homme plein de violence, il le sait. Depuis qu’il est gamin, il ne carbure qu’à la colère et à la brutalité. Il ne comprend que ça, ne réponds que par ça.

Mais Bonnie, elle, elle passe toujours au travers ses tempêtes. Elle est la seul qui sait l’calmer.
Sauf que Bonnie, elle  n’est plus là. Ses yeux papillonnent et elle disparait dans les limbes de la morphine pour plonger dans ce coton qu’ils connaissent. La toubib rassure en signalant les flics devant la porte sauf que sa rousse déteste la flicaille aussi sûrement qu’elle déteste cette ville de merde.

Il se passe un truc dans ses yeux, avant qu’elle ne s’endorme. Une tristesse qui zèbre ses jolies prunelles cerclées de rougeurs et de boursouflures.
Et ça ne lui était pas adressé.

« Mr Gray, pourriez-vous venir avec moi ? » Pour quoi faire ? Il suivra la toubib nulle part. Alex tient toujours la main de Bonnie qui s’est relâchée dans la sienne. « J’ai à vous parler. Vous pourrez revenir ici et rester comme vous le souhaitez par la suite. » Elle ne l’attend pas et Alex serre les dents. Il scrute toujours le visage de Bonnie, devine derrière les coups et blessures l’aspect initial de son visage. Il n’a jamais oublié ses traits, il se les est dessiné un nombre incalculable de fois quand il tournait en rond à l’appart. Elle s’est imposée à lui pendant qu’il se démenait dans les draps d’une autre. Tout le temps. Comme un rappel de ce qu’il laissait échapper.

Il sait pas si c’est la voix douce de la toubib ou parce qu’il fulmine tellement de rage qu’il peut plus rester en place, mais il finit par lâcher la main de Bonnie à contre cœur. Il sent déjà un gouffre glacial qui remplace sa petite paume dans la sienne. Il se promet de revenir dans moins de cinq minutes.

La porte de la piaule se ferme derrière lui, Alex enfonce ses poings dans ses poches pour contenir tout ce qui déborde déjà. Il arrête pas de jeter des coups d’œil vers le store, comme si Jay pouvait apparaitre d’un claquement de doigts dans la chambre pour finir le job. C’est entrain de le rendre fou, voir obsessionnel. Parce qu’il n’pense qu’à aller lui défoncer la gueule à tel point qu’il en a la gerbe.

« Je sais que vous voulez faire au mieux. Mais il va falloir se restreindre sur les questions à lui poser, et lui laisser de l’espace. » Alex détourne les yeux de la vitre pour les planter dans ceux de Fumero. Il est pas sûre d’avoir pigé c’qu’elle est entrain d’lui dire. Lui laisser de l’espace. Qu’est-ce qu’elle sait de l’espace qu’il lui a laissé, cette conne ? Elle sait que dal. Pourtant, la toubib a ce regard qui n’juge pas, le ton de sa voix est calme, pas même impérieux. Elle est pas comme toutes ces figures d’autorités qu’ils ont pu croiser à leur parler comme des chiens ou des petites merdes parce qu’ils n’étaient rien d’autre que ça. Des merdes, à leurs yeux. Fumero prend le temps, bien campée sur ses deux jambes. Alex ne donne pas envie à ce qu’on lui taille la discussion, ni à ce qu’on le contrarie, pourtant la toubib se ne démonte pas. Sa patiente avant tout. «  Nous n’avons aucune idée de ce qui lui est arrivé, nous ne pouvons que constater l’étendue des dégâts. Votre amie… l’a échappée de peu. Elle présente de nombreuses blessures, qui ne datent pas seulement de cette nuit. » Il a pas le temps de l’ouvrir, elle le stoppe d’un geste de la main. Ses nerfs se tendent. « S’il vous plaît. Chaque… mot, chaque geste peut être déclencheur d’une nouvelle crise de panique. Si vous voulez l’aider, et puisqu’elle semble avoir le besoin de se raccrocher à vous, vous devez rester calme. Et rester là. Rien de plus. Plus de questions, c’est entendu ? »

Ethan serre les poings dans les poches de sa veste. En quelques mots, le Dr Fumero lui rappelle où est sa place et elle n’est pas dans la rue, à la quête de Jay, mais ici. Aux côtés de Bonnie. Et Alex se sent putain de con parce qu’on souligne à quel point il n’est fait que de brutalité et de stupidité. Une étincelle de lucidité lui traverse sa caboche et lui fait comprendre pourquoi la rousse était mécontente quand il lui a posé ses questions. Peut-être même, pourquoi elle a eu peur, quand il lui a embrassé le front.
Ca l’agace profondément que cette toubib le foute dans cette position.

Rester calme. Putain. Il aurait presque envie de lui rire à la gueule. On ne demande pas de rester calme à Alex, parce qu’il sait pas faire, encore moins quand il sait que cet enculé déambule dans la ville, sans que rien ne lui tombe dessus. Pendant que Bonnie est là, la gueule fracassée, la peur au ventre, traumatisée pour vingt ans. Et ça lui fout les nerfs de ne rien faire alors qu’il devrait déjà être en train de lui saccager sa gueule de merde pour l’avoir touché elle.
Ca le rend dingue.
Autant que d’admettre que Fumero a raison.

Ethan acquiesce seulement, ses poings crissent dans les poches.
Il lâchera pas le morceau pour autant. L’occasion, il la trouvera.

« Les officiers de police ne vont pas tarder à revenir. Ils vous poseront quelques questions, notamment parce que vous êtes son contact d’urgence. Puis-je vous demander, cependant, de qui votre amie parlait ? »

Il a rien envie d’lui dire parce qu’il voit déjà le tableau d’ici.
Fumero va balancer Jay aux flics qui vont le chercher, le coffrer et il prendra quoi, trois mois ? Six ? Avant de ressortir la queue en fleur, prêt à venir cueillir Bonnie et la ramener chez lui, la finir pour de bon. Il voit rouge, mais sa nuit blanche semble avoir raison de lui.

« Son mec. Jay Walker. » Il balance ça avec mépris, la voix aux tons de basse. “Ca fait quelques mois qu’ils sont ensembles. Un an p’t’être. Mais j’savais que dal de ce qu’il s’passait. J’avais plus de ses nouvelles depuis quelques mois. »

C’est la première fois qu’il le verbalise. Alex sent son ventre se tordre brutalement et une bile acide lui remonte le long de la gorge. Il détourne le regard pour le glisser derrière la toubib, puis ailleurs. Partout ailleurs sauf dans ses yeux compatissants à elle. C’est pas pour lui qu’elle compati, c’est pour Bonnie. Parce que comme Alex, elle est entrain de dérouler toute l’horrible année que la jeune femme a vécue. Seule.

Putain de seule.

Et les nerfs repartent en vrac. Un rien alimente l’incendie.
Alex roule des épaules sous sa veste et son tee-shirt tendu, pour essayer de délier le poids qui l’étouffe.

« Ca va changer quoi que vous en parliez aux flics ? » Il braque de nouveau son regard sur elle. « M’dites pas que vous la connaissez pas cette histoire. Vous en voyez passer combien des comme elle par semaines. Dix, vingt ? Et combien de leur enculé de fils de pute de petit ami s’en sortent les mains libres ? »

Elle est de bonne foi, il le voit. Ca se lit sur sa tronche. Seulement, Alexander n’a jamais fait confiance aux flics. Il se persuade qu’à la seconde où Jay sera en garde à vue, il s’en sortira bien mieux que s’il passait sous ses poings.

Mais il a décidé de laisser faire le Dr Fumero.
Comme promis, Alex est retourné dans la piaule où Bonnie dormait toujours. Cette fois, il s’est contenté de rester le cul dans sa chaise, sans trop la toucher si ce n’est cette main glissée dans la sienne. Et plus il reste sans bouger, plus il rumine toute la merde que sa princesse à vécue. Des blessures qui ne datent pas de cette nuit, lui avait dit la toubib. Combien d’autres fois, Jay avait abattu ses poings sur sa peau blême et son corps frêle ?

Ca part dans tous les sens, dans sa tête. Il la voit hurler. Pleurer. Supplier. Se protéger avec ses deux petites brindilles qui lui servent de bras mais qui la tant de fois serrer contre elle. Il l’imagine contre un mur, les mains de Jay autour de sa gorge.
La mâchoire d’Alex lui fait mal. Il serre les dents depuis dix minutes, le regard brutal fixé sur le corps de Bonnie. Il aurait dû la protéger. C’était son putain de rôle. Il l’avait abandonné.

Φ

« Putain de machine de merde ! » Alex tape dans le coffre à friandise. Rien ne tombe. On va de lui sucrer son dollar et sa collation. Il a les crocs, il est crevé, il a pas dormi depuis des heures et sa nuit de taff commence à lui scier les nerfs. Il voit les chips et les snickers qui lui font de l’œil mais cette saloperie ne lui lâche rien. Il crève de chaud, même s’il a délaissé sa veste dans la piaule, au cas où Bonnie se réveillerait. Elle pourra voir qu’il s’était pas tiré, comme promis.

Agacé, il souffle et jette son dévolu sur la machine à café. Elle lui sert de l’eau au café, avec un goût infâme mais c’est tout c’qu’il a sous la main alors il prend. Il touille la flotte maronné sans regarder devant lui, mais dresse l’oreille.

« Avez-vous réussi à avoir davantage d’informations de la victime ?
— Pas vraiment… Elle est inconsciente, et quand elle est réveillée, elle a du mal à parler.
— Et son contact d’urgence ?
— Alexander Gray. Il est resté près d’elle un certain temps. Il m’a assuré rester pour vous parler, je pense qu’il est parti chercher un café. »

Sa course s’est arrêtée et Alex bat en retrait. Il s’écarte d’un pas et se colle légèrement au mur qui forme l’angle qui le menait à la piaule. Dans la vitre un peu plus loin, il voit le reflet de deux silhouettes dont celle du toubib.

« Qu’a-t-il eu à dire ?
— Mrs Hall s’est réveillée à un moment, assurant qu’il viendra la tuer. « Il » serait à priori le petit ami actuel, Mr Gray m’a donné son nom, Jay Walker.Je ne suis pas sûre que vous arriviez à le trouver tout de suite.
— Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
— Mrs Hall nous est arrivée aux urgences d’une manière assez particulière… Elle a été jetée devant l’hôpital. Des brancardiers qui passaient par là ont vu une vieille voiture noire, dans le genre des voitures de collection, débarquer à toute vitesse. La portière s’est ouverte et Mrs Hall a été poussée du siège passager. La voiture est repartie trop vite pour que les brancar-diers puissent lire la plaque. Mais ils peuvent vous la décrire, si vous voulez, je peux aller en chercher un.

L’acouphène couvre tout. Tous les bruits disparaissent au profit de quelques-uns, pur fruit de son imagination. Le crissement des pneus, la portière qui s’ouvre et le corps qui tombe lourdement sur le bitume, comme un poids mort, avec un gémissement de douleur. Alex a la vue qui devient trouble, les mains qui tremblent. Son café se renverse à moitié sur le lino. La suite de la conversation lui échappe.

Cet enculé à prit la bagnole de Bonnie pour la jeter ici comme une merde. Une moins que rien qu’il a usé jusqu’à l’os avant de la balancer comme si elle n’était juste que ça. Un rien.
Il sent la vague au fond de son crâne qui grandit, menaçante. Un bruit blanc dans les tempes, sa vision qui se rétrécit, la poitrine qui se sert tellement ça le crâme là-dedans. Il reconnait chaque signe de sa fureur. L’image se répète en boucle, il la voit avec une netteté effarante. Les pneus, la portière, le corps de Bonnie.
Pneus.
Portière.
Bonnie.

Bientôt, le fracas de ses poings contre les os brisés.

Φ

Le flic lui a tenu la jambe un bon quart d’heure.
Vous êtes qui pour Madame Hall ?
Vous venez d’où ?
Pourquoi vous aviez coupé les ponts ?
Vous connaissez Jay Walker ? Où est-ce qu’il pourrait habiter ?

Et la bagnole, ça vous parle ?

Il y a répondu à chacune de ces putains de questions. On la gentiment remercier – première de l’année, un flic qui le remercie, lui -, assurant qu’ils finiront par le trouver et toute la liste pseudo-rassurante. Et bien évidemment, on lui a fait comprendre que résoudre ça par soi-même n’était pas la plus brillante des idées. Gray s'demande quelle gueule il va tirer quand il va fouiller dans son casier judiciaire.
Alex a ravalé sa bile, encore. Il n’sait pas combien de temps il va tenir comme ça, avant qu’une de ses veines n’éclatent.
La silhouette de l’officier s’éloigne, il voit le Dr Fumero au loin et Gray rentre de nouveau dans la piaule. Les machines chantent toujours leur calme, Bonnie semble se reposer dans son sommeil médicamenteux.
Ethan est prit d’une fièvre qui le consume. S’il revient dans la chambre, ça n’est plus pour veiller mais simplement pour récupérer sa veste et trouver Jay avant les flics.
Seulement voilà, quand ses yeux glaces se posent sur Elle, il se sent prit entre deux feux. Y aller ou rester.
Fracasser le monstre ou veiller sur son amie de toujours.

La veste dans la main, Alex hésite, dévoré par ses propres démons enragés.  

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Mar 3 Jan - 21:38
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Alors que le monde continuait à tour autour d’elle, parlait d’elle, s’inquiétait, Bonnie n’avait pas bougé d’un poil dans le creux de son lit d’hôpital. Seules ses blessures avaient modifié la teinte de sa peau par endroit, certaines marques commençaient à s’adoucir pour laisser des pétales de couleurs violacer son épiderme. Sa respiration était calme, le sommeil sans rêve, c’est ce qu’il lui fallait plus que tout au monde. Un sommeil sans rêve. Sans images, sans tension. Juste les ténèbres pour compagnie. 
 
Le temps avait défilé à toute vitesse pour elle, alors que le claquement de la porte attire son attention des tréfonds de son inconscient. C’est juste un petit bruit, celui de quelqu’un qui prend toutes les précautions pour fermer la porte avec douceur, pour ne pas la réveiller. D’ailleurs, elle met un temps fou avant de l’identifier. Ces derniers mois, Bonnie avait accru sa vigilance, guettant les pas, les bruits de poignées pour savoir si elle était en danger, ou non. Le crissement des pneus lui indiquait la vitesse et avec elle, certainement le degré de fureur du propriétaire de la voiture. Non, pas le propriétaire, l’emprunteur.
 
Rien ne lui parvient de plus que ce bruit de porte, le silence règne dans la chambre, c’est absolu, et ça lui fait un bien fou. Rien ne crie, personne ne l’embête. Son visage ne bouge pas, son corps reste immobile, son esprit n’est pas tourmenté par les images, pas encore. La rousse émerge, petit à petit, elle qui est d’une vivacité surnaturelle d’ordinaire prend cette fois de longues minutes avant même de se rendre compte de son éveil. Comme à son premier réveil, Bonnie identifie d’abord les odeurs, immobiles. Celle de l’antiseptique et du sang se mêle. Elle sent sa transpiration, aussi, lui agresser les narines. Et puis elle capte une autre odeur, qu’elle n’avait pas sentie depuis de longs mois, celle d’un parfum qu’elle connaissait par cœur, pour l’avoir acheté des dizaines de fois quand elle vivait avec Alexander. Ils n’étaient pas fortunés à l’époque, ne l’avaient d’ailleurs jamais été, mais s’offraient parfois des petites choses. À Noël. Un parfum. Toujours le même, pour ne pas dévier de la tradition. Parce que c’était le seul moment où on pouvait claquer de l’argent, tout le monde le faisait. 
 
Son attention dévie du parfum qui remplit la pièce pour essayer de se connecter à ses autres sens. Son goût a disparu, elle ne perçoit que la saveur métallique du sang qu’elle avait perdu et craché. L’odeur d’antiseptique est si forte qu’elle a l’impression de la sentir aussi sur sa langue. Son toucher lui en revanche paraît intact : si ses mains lui font mal, sa sensibilité est belle est bien là et se réveille. Mêmes sensations que plusieurs heures plus tôt : coton, tube en plastique, couverture rêche. Il ne lui manque qu’une paume de main. 
 
Les doigts de sa main droite tapotent presque imperceptiblement le coton du drap qui la recouvre. Elle sent les straps maintenir la perfusion au creux de son bras. Son audition s’ouvre à nouveau au reste du monde et elle entend enfin les bruits qui entourent sa chambre. Rien, à l’intérieur, si ce n’est une respiration saccadée, énervée. Elle est basse, profonde, mais ce n’est pas la sienne. La présence à qui la respiration appartient est aussi immobile qu’elle, ne bouge pas d’un poil et n’émet pas davantage de son. Pourtant, Bonnie jurerait entendre les mécanismes vengeurs d’où elle est, aussi épuisée et fracassée qu’elle soit. 
 
Pour la première fois depuis son arrivée à l’hôpital, elle ne se sent pas morte de peur. La peur reste là, l’étreint toujours et la sensation de mains autour de son cou ne s’efface pas. Mais elle ne se sent pas happée par ses souvenirs de l’horrible soirée passée. Elle les sent gigoter, vivaces, sous la surface, prêtes à surgir au besoin. 
 
Lorsque son cerveau a suffisamment accumulé d’informations pour se dire en éveil, la blonde tente un geste, essayant de mettre en marche son corps, le forçant à lui obéir. Elle flotte encore dans une douce masse de coton, les membres engourdis. Les médecins ont augmenté la dose pour lui permettre de ne plus être à la merci de toutes les douleurs. 
Sa main se retourne avec succès sur le matelas, alors elle essaie de bouger un pied, qui sursaute sous le drap. Elle est capable de relever la tête, alors, elle le sait. Et c’est au prix de longues secondes et de grands efforts que Bonnie tourne le visage vers la gauche. Une grimace tord ses lèvres et ses yeux toujours fermés. Sa nuque est endolorie, le moindre de ses mouvements est un calvaire. 
 
Avant d’ouvrir les paupières, il lui faut se reposer, ce simple geste a pompé toute son énergie. La rousse attend alors, pousse un très léger soupir qui passe ses lèvres fendues et entrouvertes. Elle puise de la motivation dans l’idée de voir son ami, de se rendre compte qu’elle n’est toujours pas seule, qu’il n’est pas parti. Il aurait pu. Peut-être aurait-il dû ? Elle n’en sait rien. Ils n’avaient toujours été que tout seuls, eux deux. C’est elle qui avait dévié du chemin. Peut-être devait-il retrouver la vie qu’il avait quitté pour venir la veiller quelques heures. Mais maintenant, on devait lui avoir dit qu’elle était hors de danger, au niveau tout du moins. Son devoir était terminé. C’est ce qu’elle se dit, pour s’essayer encore à ouvrir les yeux et battre des paupières, le voir une dernière fois avant qu’il ne déguerpisse. 
 
Elle arrive à ouvrir un œil, puis l’autre. Les compresses qui lui ont été posées sur les yeux ont été efficaces pour faire baisser le gonflement d’eau de ses paupières, mais celles-ci restent déformées. Le violet s’est bien installé, en revanche, et creuse les deux yeux pour bien les planter dans son crâne saillant sous la peau fine. Deux éclats bleutés sont révélés à la mince lumière de la chambre et Bonnie les déposent enfin sur la silhouette masculine de son ami d’enfance.
 
Il est là, bien là. Alexander semble l’observer sans vraiment la voir. Il tient sa veste dans sa main, semble prêt à partir. Son cœur s’alerte un peu, la peine passe brièvement sur son visage. Déjà ? Avait-elle eu raison d’imaginer qu’il avait autre chose qui le retenait de rester ? Son regard reste longuement perdu sur sa silhouette immobile, qui irradie de colère, les doigts serrant sa veste avec suffisamment de force pour blanchir ses phalanges. Depuis combien de temps était-il là à la fixer ?
Elle ne veut pas qu’il parte, alors, elle essaie de l’appeler une première fois, ouvrant doucement les lèvres pour ne laisser échapper qu’un filet d’air, comme si elle était prise d’une extinction de voix. 
Cela semble suffire, cependant, car il réagit enfin. Son corps tendu comme un arc se délie suffisamment pour qu’il puisse s’approcher, s’assoir sur le bord de la chaise sans lâcher sa veste.
 
Bonnie l’observe mieux maintenant qu’il est plus près. Il a beau parer son beau visage d’inquiétude, elle ne manque pas la colère qui fait brûler les prunelles de ses yeux. Elle comprend alors le dilemme qui tourmente son ami, prompt à la violence et à la vengeance. 
Il n’a peut-être pas tant changé que ça, depuis qu’elle l’avait abandonné un matin, décidant que c’était leur dernière étreinte, leur dernière nuit passée ensemble.
 
Son regard fatigué et injecté de sang continue de détailler le visage fatigué et tiré d’Ethan. Elle essaie de le sonder, maintenant suffisamment réveillée pour mettre en place un fil de pensée cohérent. Ses souvenirs de ses autres réveils sont troubles, elle ne se souvient plus exactement de ce qui s’est dit ou de ce qu’il s’est passé, mais une part d’elle se sent un peu plus reposée. 
 
« Alex… » Elle réessaie et pousse une sorte de soupir de sa voix désormais rauque. L’assaut avait coincé ses cordes vocales, sa gorge serrée ne lui laissait pas le loisir de s’exprimer à son habitude. Jay avait réussi, comme il le souhaitait, à la faire taire. 
Bonnie tousse un peu, comme pour essayer de se donner un peu de voix, mais elle comprendrait bientôt que rien n’y fera. Tout ce qu’elle réussit à faire c’est lancer les douleurs de son thorax aux quelques côtes fêlées. Elle grimace, ferme les yeux une seconde et les rouvre rapidement par peur de ne plus en être capable par la suite. La rousse revient accrocher son regard à celui du videur, toujours là. « Les flics sont là. même si son ton ne correspond pas à l’intention, c’est une question qu’elle lui pose. Sa diction est lente, il lui faut le double de temps habituel pour articuler sa phrase. Ethan ne répond que par un hochement de tête, comme si on lui avait à lui aussi coupé la parole. Bonnie réfléchit. Il avait dû être interrogé, peut-être ? Elle se souvient avoir entendu sa médecin lui dire qu’on veillait… Elle ne sait pas trop. Elle s’imagine et se souvient s’être déjà retrouvée ici deux mois plus tôt, avec des blessures beaucoup moins importantes, et avoir été questionnée par la police. Le souvenir ne lui plaît pas, elle fronce les sourcils et le repousse pour se reconcentrer sur son ami. Je sais ce que tu veux faire. Alors qu’elle parle, ses doigts se soulèvent, cherche une prise : la sienne. Ça lui tire dans l’épaule. Ses yeux se baissent vers sa main, pour viser celle pendante d’Alex mais elle est trop loin. Pas pendant qu’ils sont là, non, pas pendant qu’ils enquêtent, pas alors qu’il se mettrait une cible dans le dos et serait jeté en garde à vue et ensuite, certainement en prison, aux vues des longueurs de son casier judiciaire. S’il te plaît. Ses yeux s’humidifient et ses sourcils se froissent dans une expression attristée. Pas maintenant. »
 
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Alexander E. Gray
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Mar 3 Jan - 21:39
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Bonnie & Alex


Depuis quand il lutte comme ça, contre tous ses instincts, contre tout ce qu’il est de nature ?
Depuis quand, Alexander Gray, hésite à aller éclater la gueule d’un type qui a manqué de tuer la personne la plus importante de sa vie ? Déjà, gamin, il cognait ceux qui lui faisait verser une seule larme. Et maintenant, il hésitait alors que son corps était marbré de contusions, de plaies et de cicatrices qui dataient d’au moins un an.

Ca ne lui ressemble pas. Lui, il fonce tête baisser, il réfléchit pas aux conséquences parce que ça ne compte pas. Rien ne compte quand il s’agit de Bonnie.
Tout se mélange dans ses pensées en ébullition où le volcan de la rage crache sa haine. Le regard dans le vide, la main serrée sur sa veste, il sent au fond de lui que sa colère ne s’arrêtera pas à un simple pain dans la gueule.

Elle est dangereusement meurtrière car plus il regarde les ecchymoses de Bonnie, plus il entend en écho ses gémissements douloureux dans sa tête, plus Alexander se voit très clairement éclater la gueule de ce sac à merde sur le bitume jusqu’à ce qu’il en crève. Mais voilà, les paroles de Fumero sont responsables de toute son hésitation. Ils sont les clous à ses godasses qui l’empêchent de partir tout de suite pour assouvir sa vengeance.

Un souffle sec perce ses tympans remplit de cri. Bonnie essaie de lui parler mais surtout, elle est réveillée. Alexander sent comme un sursaut quand il braque son regard sur ce visage plus éveillé que les dernières heures. C’est un instinct, un réflexe naturel, qui le pousse à bouger aussitôt pour venir près d’elle et s’assoir sur la chaise près du pieu.
Il n’a toujours pas lâché sa veste, comme s’il s’offrait une dernière chance de partir. Alexander l’observe avec inquiétude, s’apprête à lui demander si elle veut boire un truc, si elle a besoin de quelque chose, savoir si elle se sent mieux mais le flot de question se bouscule dans sa gorge sans qu’elles ne se formulent.

Ils se regardent comme deux ados paumés. Comme deux adultes fracassés.
La déchirure se fait plus douloureuse et ample dans sa poitrine. Il supporte pas de la voir comme ça.

« Alex… » Sa voix est un éboulement de petit caillou mais entendre son nom entre ses lèvres blessées, Ethan se sent piqué d’une chaleur vive. Ce n’est que maintenant, que le manque lui éclate à la gueule. Un poison qui avait toujours été là, en surface, constant et permanant. Bonnie prononce son prénom et ça surgit dans tout ce qu’il y a de plus douloureux et de plus rassurant à la fois. Il pensait ne plus jamais l’entendre.

Bonnie cherche à parler, tousse, grimace. Même respirer lui fait un mal de chien et Alex bronche pas. Il la regarde juste, patiente alors qu’elle cherche son énergie. Ses paupières papillonnent et lui, il la lâche pas comme si elle pouvait s’évaporer s’il clignait des yeux.

« Les flics sont là. »

Il acquiesce, parle pas. S’il l’ouvre, il va encore dire une connerie, ça va jaillir de lui comme une balle parce qu’il sent la lave au bord de sa gorge. Il a tellement de haine, de rage. Ca lui brouille l’esprit. Ca lui fait perdre les pédales. Y a que ses yeux à elle qui le raccroche. Ses yeux qu’il aurait pu ne jamais plus revoir. Penché vers elle, coudes sur ses cuisses, il attend.

« Je sais ce que tu veux faire. Pas pendant qu’ils sont là. » La frustration lui comprime la poitrine. Il sent déjà le vent tourner. Ils, les flics, auront vite fait de retrouver le coupable du bain de sang qu’il compte farouchement laisser derrière lui. Egoïstement, Alex s’en fout et il ne songe pas une seule seconde à la perte qu’il causera s’il s’élance dans cette quête insensée. Les dégâts qu’il laisserait derrière lui serait pire qu’un cadavre sur le dos. Mais Bonnie, achève sa volonté et l’achève lui, par la même occasion. « S’il te plait. Pas maintenant. »

Ses yeux blessés se remplissent de larmes, son visage affreusement triste. Son cœur se broie de douleur dans sa poitrine compressée de haine et, presque aussitôt, Alex détourne le regard pour fixer ses vielles baskets. Il supporte pas de la voir pleurer, putain, mais si en plus c’est de sa faute, c’est pire que tout. Quelques larmes et sa volonté se plie en quatre, tordue par le refus d’être la cause de sa douleur. Il sait pas pourquoi ses pleurs à elle lui font l’effet de mille couteau dans le corps. C’est viscérale, épidermique.

Mais ce qu’elle lui demande relève presque de l’impossible. Pourtant, elle ne dit pas « jamais ». Elle dit seulement, pas maintenant.
Alors quand ?
Une toute petite part de lui, lui en veut de l’obliger à rester ici, à ronger son frein et refouler tout ce qui ne demandait qu’à se déverser. Il lui en veut de le priver de la seule chose qui pourrait lui donner l’impression de ne pas être qu’un lâche qui l’a abandonné sans même chercher à la retenir.
Puis, il a honte. Parce qu’il s’apprêtait à la lâcher alors qu’elle avait le plus besoin de lui.

Il fixe le sol, serre si fort les dents qu’il en a des crampes dans les joues, une douleur qui lui remonte jusqu’aux tempes. Sa veste entre ses phalanges blanches, grince.
Les doigts de Bonnie qui remuent faiblement sur le drap, attire son regard qui dévie enfin du bout de ses chaussures. A lui de choisir ses priorités. S’il se barre, il sera aussi coupable que Jay, de l’avoir détruite.

Alex ravale sa bile et se redresse légèrement pour jeter sa veste sur le bout du lit.
Doucement, il glisse sa paume chaude dans la main de Bonnie et, enfin, la regarde de nouveau. Les larmes sur ses joues bariolées attristent les yeux du videur. Sa gorge se serre.

« Ok. » Un murmure rauque. « Ok. »

Une promesse. Il serre un peu plus sa main dans la sienne, sans la lâcher des yeux.

« J’irai pas. »

Pas tout de suite.

Φ

Il a tenu parole.
La seule raison pour laquelle Alex a quitté l’hôpital c’est pour aller chercher un vrai repas à bouffer. Pour lui et pour elle et son appétit de moineau. Sa vengeance le tourmente dès qu’il ferme les yeux, dès qu’il est là, à fixer le vide. Il n’lâche pas le morceau, il voit toujours la gueule de Jay imprimée dans sa rétine et cherche parfois toutes les occasions de déroger au pacte que Bonnie et Alex ont signé d’un regard.
Difficile de penser à autre chose quand le corps de son amie porte les traces de son existence. Pourtant, il fait des efforts. De gros efforts. Il réfléchit avant de parler même si c’est pas toujours concluant. Les traits fermés de Bonnie suffisent à lui faire comprendre qu’il déconne. Alex n’est pas une flèche, il comprend lentement, mais il essaie.

Pour pallier sa brutalité innée, il prend soin d’elle. Il est là, vif, réponds au moindre appel, au moindre besoin. Alex est sur le pied de guerre et c’est la façon qu’il a trouvé pour rendre murmure ses cris d’appel à la vengeance. Il peut pas aller défoncer la gueule de Jay, mais il peut la remettre sur pieds. Il peut essayer.

Deux jours que Bonnie est à l’hosto et sa voix est toujours un filet de caillou. Son visage gonflé par les coups est pire que le premier jour. Le Dr Fumero est « ravie » de voir qu’à défaut de poser trop de question à Bonnie, Alex lui en pose mille à elle.

Combien de temps ça va prendre ?
Elle a quoi exactement ? Ca veut dire quoi vot’ charabia de toubib ?
J’peux lui ramener à bouffer ? A boire ? Si bien sûr j’vais lui ramener deux pintes, vous m’prenez pour l’dernier des cons ma parole ?
Elle peut rentrer quand ? Faut qu’elle voit un psy ? j’dois faire quoi ? Et qu’est-ce que j’dois pas faire.

Ouais, elle doit être ravie Fumero, de ce gros lourd qui n’quitte jamais la piaule sauf pour la bouffe et nourrir une autre boule de poil chez lui. Il a mis son taff en pause. Non, il a mis sa vie en pause et elle n’tourne plus qu’autour de Bonnie. Parfois, il s’casse pour la laisser respirer un peu aussi. Il lui a ramené tout un tas de connerie pour s’occuper. Des mots fléchés débiles, des livres dont il a pas lu la quatrième de couverture, des magazines, des friandises qu’elle adore. Cet imbécile aurait pu acheter tout le petit magasin de l’hôpital juste pour voir ses yeux s’adoucir de tendresse. Il veille sur tous les plans, scrute chaque geste des infirmiers, moins du médecin en qui il a presque confiance.
Deux jours où ils ne parlent pas des masses et s’échangent quelques phrases du bout des lèvres parce que ça coûte encore une énergie folle à sa princesse. Ils parlent peu, mais se manquent beaucoup. Alex sent souvent son thorax se compresser entre une main invisible qui ne lui laisse aucun répit.

Troisième jours, Bonnie est transférée dans une autre chambre avec moins de contrainte et cette fois, il se ramène avec un gros truc dans les bras.

Ca n’a pas loupé, Fumero l’a chopé dès qu’il a foutu un pied dans le service.

« Hors de question Mr Gray.
- Pourquoi ? » Il la regarde, sincèrement – faussement – étonné. « Ca va, c’est rien !
- Nous avons un protocole sanitaire très strict, vous ne pouvez pas ramener ce que bon vous chante, sans permission.
- Eh, ça va. J’vous ramène pas la peste bubonique. Vous m’avez dit que c’était bon pour elle de lui ramener des trucs qui lui ferait plaisir. Bah ça, ça lui ferait plaisir. »

Il tend la boite pour appuyer ses propos.
Ea miaule pour lui dire qu’elle déconne de jouer la matonne trop stricte. Il miaule surtout parce qu’il en a plein le fion de sa cage.

« Allez. » Insiste Alex, son regard dans celui du médecin. « J’vous promet qu’il sort pas d’la piaule. Il est vacciné, vermifugé, j’ai même ramené son carnet d’santé.
- Ca n’est pas le problème, Mr Gray… » Fumero soupire. Elle est fatiguée de cet homme qui peut se montrer aussi attendrissant qu’agaçant.
« Faites comme si vous m’aviez pas vu. Ok ? J’me glisse dans la chambre, j’fais pas d’vague, j’veux juste lui ramener son chat. C’est un visiteur comme un autre, nan ? »

Non, il le sait, mais il force. Avec son regard de tombeur qui ne prend absolument pas, Fumero parfaitement immunisée à ce genre de type. Mais la bouille d’Ea, en revanche, attendrit son cœur d’humaine. Mais aussi parce qu’elle sait le bien que la présence d’un animal pourrait faire à sa patiente.
Elle décide de l’ignorer. Ca ne sera jamais pire que le petit porcelet qu’un fils avait ramené à sa mère parce que c’était, elle cite, « son petit cochon de compagnie ».

Le médecin lui accorde un regard lourd de reproche et qui lui promet la pire des remontrances si cette boule de poil rousse venait à franchir les portes de la chambre.
Alex a le sourire d’un vainqueur aux lèvres mais il ne fanfaronne pas. Il a arrêté son rapport de force avec la toubib, inflexible. C’est elle qui prend soin de Bonnie comme il faut et contrairement à tout ce qu’il avait pu imaginer, elle faisait plus que bien son taff.

Le videur fraichement douché, parfumé, déboutonne un bouton de sa chemise. Il oublie tout le temps qu’on crève de chaud dans cet hosto de con. Les manches sont retroussés sur ses avant-bras, dévoile la montre au poignet que Bonnie lui avait offert à Noel et dont il ne se séparait jamais. Il toque deux fois avant d’entrer.

Il est tard, mais le sommeil de Bonnie est déréglé comme une horloge usée. Elle dort souvent le jour, se réveille presque tout le temps la nuit en proie à des angoisses, à des peurs profondes qu’elle peut pas encore lui formuler. Alex est venu passer la journée avec elle avant de la quitter dès qu’elle s’était mise à sombrer dans un sommeil lourd. Il la retrouvait éveillée, assise sur son lit entrain de pousser sa bouffe du bout de sa fourchette. Plus loquace, plus présente, elle pose ses yeux abîmés sur Gray. Elle était bien soignée, mais concernant la bouffe, c’était un désastre. Pire que la cantoche de lycée. Sa télé murmure un documentaire, un bruit de fond pour compagnie.

« Tiens, t’as d’la visite. »

Dès qu’il ferme la porte, il ouvre celle de la cage.
Il pensait pas, mais dès qu’Ea voit Bonnie, il hurle. Fort. Bordel, on croirait qu’il lui gueule dessus des « t’étais partie où traitresse ! ». Pas farouche pour un sous, pas peureux non plus, il grimpe déjà sur le lit pour venir rejoindre sa maitresse. Fou de rancœur, mais surtout fou d’amour de retrouver sa mère.

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Mar 3 Jan - 21:39
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Le temps ne passe pas quand elle ne dort pas. 
Bonnie n’est plus en danger de mort. Son visage ne ressemble toujours à rien, son corps lui fait un mal fou et respirer lui est difficile, ses côtes fêlées ne lui laissant aucun répit et se rappelant à elle à chacune de ses inspirations. Tout lui semble difficile. Elle n’a pas envie de manger, ni de boire et parfois elle se dit qu’elle aurait dû y rester. La rousse a les idées noires, son sommeil compliqué ne lui permet pas de se reposer complètement malgré la morphine. Chaque fois qu’elle ferme les yeux, les cris reviennent, les images se ravivent et la présence de Jay semble se rapprocher, posté à la périphérie de son regard comme une menace constante.
 
Pourtant, on s’inquiète pour elle et on la force à se sustenter. Et le premier à la couvrir d’attention est Alexander lui-même qui n’a pas bougé de l’hôpital depuis trois jours, depuis qu’il avait accepté de ne pas la venger. Pas tout de suite. Parfois, dans sa peur, Bonnie se dit qu’elle aurait aimé qu’il l’envoie chier et tue le salaud qui l’avait mise dans ce lit. Mais cet élan de colère ne dure jamais longtemps, car la terreur est maintenant son seul mode de survie. Elle sursaute au moindre bruit, guette la porte avec la certitude que son petit ami finira par débarquer, la bouche en cœur et les mains remplies de fleurs comme il avait pu le faire auparavant. 
 
Maintenant qu’elle est lucide et qu’elle a bien conscience de la situation, Bonnie sait que ce n’est pas la première fois qu’elle l’a vécue. Par deux fois cette dernière année elle s’était retrouvée dans cet hôpital.
La première fois, elle n’y était pas restée longtemps. Il ne lui avait que cassé le poignet après tout, ça ne nécessitait pas vraiment de soins particuliers outre un plâtre qu’il avait signé en s’amusant le soir au feutre rouge, y laissant des petits cœurs en riant alors qu’elle se tenait droite dans le lit, la rage au ventre. C’était quand elle avait encore un peu de feu en elle, quand la rousse n’avait pas complètement disparu. Ce soir-là, elle s’était pliée aux envies de Jay pour ne pas le contrarier et ne pas tenter de perdre l’usage de son deuxième poignet. Il s’était excusé platement, lui avait fait à manger, avait été charmant et avait réclamé son dû en fin de soirée. Elle s’était laissée faire, secouée par les coups de reins frénétiques et désordonnés de l’ouvrier de chantier. Elle avait fait semblant, évité ses baisers qui la dégoutaient déjà. Bonnie mettait sa répulsion sur sa colère alors qu’il l’avait blessée. C’était après qu’il s’était décidé à signer son plâtre comme le font les bons amis. Il avait ris de ses dessins maladroits et elle, lui avait souri. À cette époque, elle croyait encore avoir une chance de s’en sortir, se disait que bientôt elle s’en irait, qu’elle se trouverait un coin où crécher, qu’il n’était qu’éphémère. Bonnie n’avait pas senti le piège se refermer sur elle.
 
La deuxième fois qu’elle était venue, son excuse n’avait pas fonctionné, elle n’avait pas pu tomber pour se retrouver dans cet état. Cette fois, elle était enfermée et n’avait su saisir la perche tendue par la police pour s’aider à sortir de cette situation terrible. Amochée mais lucide, elle savait qu’il l’attendait à la sortie. Bonnie avait supplié à ce qu’on n’appelle pas son contact d’urgence car elle savait qu’il s’agissait de son ami d’enfance. Et si Jay le savait, il la terminerait. Le visage gonflé et le bras à nouveau en écharpe, seulement pas le même cette fois, l’ex-junkie était rentrée terrifiée dans la voiture qu’il s’était appropriée. Sa vieille Chevy, abandonnée aux mains de son agresseur, râpée de partout. Il ne savait pas la conduire, allait trop vite sur la route, n’avait pas l’habitude de mener un véhicule aussi long. Mais elle ne disait plus rien maintenant, connaissait les mesures qui lui évitaient de prendre des coups. Ils étaient rentrés et elle s’était assise dans le canapé jusqu’à ce qu’il la rappelle à l’ordre pour lui faire à manger. Bonnie avait définitivement disparu, n’entretenait plus l’espoir de s’en sortir un autre autrement que les pieds devant. 
 
Aujourd’hui, la rousse ne se sent pas différente. 
Certes, Alexander est là, la police alertée, sa soignante particulièrement affectée par sa situation se démène pour l’aider. Elle l’écoute, acquiesce, se fait discrète, ne refuse rien qui pourrait mettre quelqu’un en colère, si ce n’est de la nourriture qu’elle n’arrive pas à faire passer entre ses lèvres tant son ventre est tordu de peur. Elle fait attention à ne pas dire des choses qui fâchent, se garde de faire des réflexions, n’ose pas dire non, accepte tous les cadeaux, toutes les attentions et remercie sagement chacune d’entre elle sans broncher. Même quand elle n’en veut pas ou n’en mesure pas l’utilité. Elle n’a qu’à peine touché les mots croisés, ouvert les livres. 
Elle s’oblige à manger quelques bouchées de ce qu’Alexander lui ramène, décidé à lui faire plaisir, à l’aider, présent à chacune des procédures, excepté lorsque le Dr Fumero le met elle-même dehors où qu’il aperçoit un éclat négatif dans ses yeux. Parfois, Bonnie ne peut pas s’en empêcher, elle veut l’éloigner de lui, pour des raisons qu’elle ne comprend pas. Il semble y faire attention et lui laisser de l’espace certains temps. Elle essaie de lui répondre quand il lui parle, mais tout lui fait du mal. Il n’en demande pas plus. Bonnie est confuse, ne sait plus où donner de la tête : sa présence la rassure et la blesse, la culpabilise en même temps. C’est ce qu’elle se dit alors qu’il n’est pas rentré de sa course, sur laquelle il avait été discret. Elle s’était réveillée seule avec un mot griffonné maladroitement, parce qu’il ne savait pas écrire correctement, lui disant qu’il revenait. 
 
Sa soignante était passée et lui avait administré de nouveaux soins, changé ses bandages, observé ce qui allait mieux et ce qui se détériorait. Rien ne semblait s’empirer et elle n’avait pas besoin d’être opérée pour ses blessures, tout avait été réparé la première nuit. L’hémorragie interne avait été stoppée à temps, ses blessures plus superficielles recousues ou agrafées. Les doigts de sa main droite étaient enroulés dans des bandages qui l’empêchait de les utiliser. Il ne fallait pas y toucher, au risque qu’elle se déforme les doigts cassés qui se remettaient doucement.
 
Bonnie était constamment épuisée. Elle ne savait que faire de tout ce vide en elle, qu’elle sentait si lourd, qu’elle pourrait porter entre ses bras. Elle voudrait le donner à quelqu’un d’autre et retrouver une sensation. Mais c’était son fardeau. Du vide et de la peur comme solide compagnie. 
Parfois, la nuit, elle se réveillait car ses horaires de sommeil n’avaient pas de rythme normal. Elle continuait de faire semblant de dormir pour ne pas réveiller son ami ou attirer son attention. C’est là où elle cherchait ce qu’elle devait faire d’elle-même. La peur la tenaillait sans cesse et ses pensées ne tournaient autour que d’une seule idée : celle que Jay viendrait la chercher.
 
C’est pourquoi elle sursaute un peu lorsque la porte s’ouvre alors qu’elle ne prêtait plus attention à son environnement, la main entourant une fourchette repoussant les aliments sans grande envie de se nourrir. Bonnie retrouve ses repères dans la chambre : le lit un peu redressé pour l’aider, la télé allumée, l’odeur de l’antiseptique qu’elle avait commencé à assimiler n’était plus aussi présente. 
 
 « Tiens, t’as d’la visite. »
 
La rousse fronce des sourcils alors qu’il referme la porte derrière lui et ouvre celle de la cage qu’elle n’avait même pas remarquée. Dès qu’il le fait, une masse orange bruyante en émerge et Bonnie ferme ses yeux, agressée par un miaulement aigu. Elle sent une lourdeur au bord de son lit et des pas tout aussi pesants s’avancer vers elle. Elle rouvre les yeux pour observer son chat, son énorme chat, qu’elle avait laissé à Alexander en partant bien des mois plus tôt. L’animal est heureux et ne fait aucun cas du plateau au-dessus des genoux de la jeune femme, ne s’en sert que pour se gratter le museau dans un signe d’affection adressé à sa maîtresse. Bonnie l’observe, l’air presque impassible et pourtant, elle est heureuse de le revoir. Elle culpabilise alors qu’elle se rend compte qu’elle l’avait presque oublié parmi tout ça, abandonné lui aussi. Sa main gauche se tend en direction du chat qui saisit l’occasion pour se fondre dans la paume en miaulant toujours plus. Il fait tomber sa masse contre sa cuisse et puis se redresse, se retourne, revient gratter la barre du lit cette fois, encore demi-tour, miaulement, s’approche sans délicatesse de sa maitresse et réclame des caresses alors que Bonnie glisse ses ongles cassés et rougis sous le menton poilu. Le chat se met à ronronner, couvrant désormais le son de la télé. Ses miaulements se font touts petits, moins aigus, intempestifs, concentrés sur les caresses mais cherchant encore à exprimer son mécontentement ou à obtenir une réponse de Bonnie. Elle qui avait l’habitude de lui parler et de lui répondre de manière systématique n’a pas la force de le faire maintenant. 
 
L’animal finit par se calmer, contre toute attente et après de longues minutes de jérémiades et de tours sur lui-même pour trouver la meilleure position pour le lover contre la rousse et obtenir d’autres caresses.
 
Bonnie ne sait pas pourquoi, mais bien qu’elle soit contente de retrouver l’animal à quatre pattes, une grande vague de tristesse s’abat sur elle. La sensation d’anesthésie qu’elle se traîne depuis qu’elle est plus lucide laisse un peu de place à cette pesante sensation de culpabilité qui lui fait monter les larmes aux yeux. Cachée derrière ses cheveux retombés, elle essaie de ne rien montrer de son trouble mais elle est trahie par un reniflement qu’elle n’arrive pas à retenir. Elle continue de caresser distraitement l’animal qui se prélasse sous ses doigts et dans un geste disgracieux, se sert de la manche de son bras droit pour le passer sous son nez. Ses yeux filent par réflexe vers la silhouette de son ami, qui semble abattu soudainement. L’expression joviale et presque fière de son coup ne marque plus son visage. 
 
Bonnie se sent doublement coupable et pousse ses cheveux de sa main aux doigts emballés, les yeux remplis de larmes. Elle fuit le regard d’Alexander mais reste accrochée à sa silhouette. La rousse se contente simplement de ne pas le regarder dans les yeux.
 
« Désolée… » Elle renifle à nouveau, s’efforce de ne pas battre des paupières au risque de faire tomber quelques larmes et de griller ses dernières cartes. « Merci. Ça me fait plaisir. » Elle tente un sourire, passe le poignet sur ses yeux pour en éponger l’eau. « T’as dû te faire plomber par la doc en plus. » Sa voix n’aura plus jamais la teinte trop aigue. On le lui a annoncé, ses cordes vocales ont été endommagées et Bonnie n’aura plus la même voix, gardera la trace du passage de Jay chaque fois qu’elle parlera. Elle n’ouvre pas trop la bouche, non plus, quand elle parle, par peur de réveiller les fentes dessinées sur ses lèvres, à peine refermées. Il faut que son ami se rapproche pour pleinement l’entendre. Elle porte la boule de larmes au creux de la gorge mais elle s’efforce de ne pas en avoir l’air. « Il a pas pris de poids, c’est bien. » 
 
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Mar 10 Jan - 21:56
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Il y croit, presque aussi naïvement qu’un gosse, au plaisir qu’il lui fait en ramenant son chat roux. Ea lui, est ravi et s’en cache pas. Il miaule, patoune sur la couverture rêche du lit, frotte le bout de son nez contre sa maitresse qui lui a certainement manqué. Alexander n’est pas le maître idéal mais il a fait des efforts pour maintenir le chat en vie et en bonne santé. Pas son truc, et pourtant… Peut-être parce que c’était la seule chose qui le raccordait à Bonnie. D’une certaine manière. Il ne l’avouera jamais à personne, pas même sur son lit de mort, qu’il a réellement fini par s’attacher à Ea qui gueule un peu moins et c’est tant mieux parce que Gray en a déjà plein le cul de l’entendre chouiner des minutes entières. L’homme n’a pas vraiment bougé de sa place, il s’est juste décalé pour faire face au lit et contempler la scène en silence, une pointe de fierté dans le bide.
 
Voilà enfin qu’il fait quelque chose de bien. Il en sourit, si fier et si ravi d’être autre chose que l’ombre qu’elle observe craintivement du coin de l’œil. Alex ne sait pas, ne comprend pas, qu’il représente désormais le Masculin terrifiant qui a été responsable de la cruelle captivité de son amie d’enfance. Il pige pas ces trucs-là, Ethan. Alors quand il croise ses grands yeux bleus si peu sereins, il se dit qu’elle a peur qu’il l’abandonne.
Pour l’instant, ses pensées sont loin des terreurs de la rousse. Entièrement focalisé sur elle, Alex détaille sa fine silhouette qui saille sous le tissu de sa blouse d’hôpital. Un « pyjama » une pièce complètement affreux, lavé au vinaigre blanc et qui irrite sûrement la peau. La seule chose que cette fringue sait mettre en valeur, ce sont les maigreurs de Bonnie. Chaque os que l’homme devine sous le tissu alimente sa fureur et sa propre culpabilité qui a bouffée ses nuits entières. Il y pense à chaque seconde. Il n’aurait jamais dû l’abandonner. Alexander a fait défaut à toutes les promesses qu’ils s’étaient jurés sous le soleil californien. Maintenant, il n’a plus qu’une idée en tête : La sortir de là par tous les moyens. S’il ne peut pas éclater la gueule de Jay tout de suite, très bien, il a autre chose à foutre de toute façon. Remettre sur pieds sa princesse, lui concocter un cocon pour qu’elle y reprenne un peu de poids, de l’éclat dans son regard terne, qu’il réentende son rire vibrer contre son torse quand il lui disait une connerie pendant un film.
 
Et ça commence par cette boule rousse qui gigote, s’installe, se fait gratouiller pendant de si longues minutes à gueuler.
 
Alex sourit, Ea est aux anges, Bonnie retrouve son amour de chat. La journée n’est peut-être pas si pourrie.
 
Le reniflement qui résonne dans la chambre lui fait perdre son sourire d’un battement de paupière. Bonnie s’essuie le bout du nez de sa manche et Alex n’a plus aucune trace de fierté sur la gueule. Son ventre se serre quand il croise le regard de son amie, puis il comprend.
 
Aucune victoire. Pire, il n’a fait qu’enfoncer le clou dans la plaie déjà écartelée. Ses yeux dans ceux de Bonnie, Alexander veut tout brûler. Il a la gueule de Jay derrière ses rétines et c’est à chaque fois pareille qu’il voit son amie triste, apeurée, excédée. Ca n’fait que lui rappeler combien il l’a brisée comme une merde.
 
Ses yeux rempli de larmes, putain, il voudrait les effacer. Effacer cette moue tristedésoléecoupablejmenveux de son visage tout fin et amaigri.
 
« Désolée… Merci. Ca me fait plaisir.”
 
Son sourire n’a aucun effet sur lui, sauf de lui déchirer les tripes. Il est faux, maladroit. Elle ment et c’est déchirant de voir que, désormais, elle le fait terriblement mal.
 
« T’as dû te faire plomber par le doc en plus. Il a pris du poids, c’est bien. 
- Eh, arrêtes ça. »
 
Il se décolle du mur d’un geste du bassin et s’approche du bout du lit où il prend appuie, son regard dans le sien. Alexander se sent comme une merde. Il a toujours été celui capable de comprendre la jeune femme, de lire entre ses lignes, entre ses mots hargneux et là … putain, c’est comme s’il ne la connaissait pas ou de très loin. Comme si elle n’était pas vraiment là. Pas vraiment elle.
 
« Me mens pas, pas à moi Bonnie. » Un vent glacial lui saisit les reins à l’idée qu’ils ne s’connaissent peut-être plus. « Fais pas genre. J’te fais chialer au moins une fois par jour parce que j’suis un demeuré qui pige que dal à ce que lui raconte le toubib. » Alex se rend pas compte que ce n’sont pas des mots à sortir à une femme traumatisée, séquestrée, violée, formatée… Lui, pour le peu qu’il parle, il sort les syllabes de sa bouche comme ça lui vient. Ça n’était pas problématique avant, quand Bonnie allait bien et qu’elle lui criait dessus quand il se comportait comme un connard parce qu’il manquait de tact. Aujourd’hui, c’était presque dangereux. Et ça, il ne l’voit pas. Aveugle. Un absentéiste des codes sociaux.
 
« Arrêtes de pleurer, c’pas grave. » Il contourne le lit sans trop s’approcher, les mains dans les poches de son jean. Il n’a jamais aimé la voir pleurer. « J’croyais que ça t’ferais du bien, tu sais comme les thérapies avec les animaux là. » Ferme ta gueule Alex. « J’vais l’ramener de toute façon, Fumero va m’radier de l’hosto sinon. »
 
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Bonnie B. Hall
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Jeu 12 Jan - 21:48
I’m on the edge of a knife
leave me now before he knows you’re here

« Eh, arrêtes ça. »

Il était guilleret et ne l’est plus. Malgré la fatigue et le brouillard épais dans lequel elle semblait flotter depuis son réveil, Bonnie perçoit le changement de ton dans la voix d’Alexander, habituée aux fluctuations d’humeur, à guetter le moindre changement d’intonations. Il se décolle du mur, se rapproche d’elle et la rousse sent son corps se mettre en alerte. Un réflexe viscéral, une manière acquise à mesure des coups qui tombaient parfois sans prévenir. Avant, elle ne remarquait pas les signes. Maintenant, elle les guette, les entends, les anticipe. Son regard remonte furtivement vers celui d’Alex, comme pour essayer de voir ce qui s’y trame, pour être sûre de la suite. Elle ne sait pas si elle voit de la colère ou de la déception dans le regard du brun mais ne dit rien et revient poser ses yeux sur le drap.
Une part de l’ex-junkie essaie de la raisonner et de lui dire que son ami d’enfance n’est pas la menace, n’est pas là pour la battre à son tour, il n’a jamais été comme ça. Mais le reste de son cerveau englouti les petits cris, le silence de ses pensées, concentrée à remarquer les fluctuations, rend muette la petite partie lucide.

« Me mens pas, pas à moi Bonnie. » Les mots font vibrer une corde étrange en elle et la rousse écarquille les yeux, se cache un peu plus dans ses mèches de cheveux qui sont, malheureusement pour elle, tirées en arrière. Elle se crispe imperceptiblement, ses doigts se sont suspendus dans leurs caresses. Elle a l’impression d’entendre, en écho, la voix de Jay qui lui rappelle de ne pas jouer avec la vérité. « Fais pas genre. J’te fais chialer au moins une fois par jour parce que j’suis un demeuré qui pige que dal à ce que lui raconte le toubib. »

(…) espèce de sale menteuse. T’es une raclure. T’es rien, Bonnie.
La rousse sent des larmes lui monter aux yeux. Elle déteste comme elle a pris l’habitude de pleurer pour un rien. Pourtant, elle avait eu durant tous ces mois de captivité de quoi se fournir une armure. Elle avait tout essayé pour apprendre à se retenir. Mais la peur qu’elle ressent lui fait oublier toute détermination. Bonnie sent son nez la piquer alors qu’elle se contient et déglutit. Pourquoi est-ce qu’elle se mettrait à chialer d’abord ? Y’a aucune raison, il n’a rien dit. La danseuse s’en veut, affreusement, même si elle ne sait pas encore tout à fait pourquoi. Le conflit fait rage, elle s’accroche au maigre espoir qu’Alexander ne lui fera rien. Après tout, il était là depuis des jours avec elle, attentionné et présent, s’efforçant de la rassurer. Elle comprend que son être réagit avant le reste mais n’arrive pas à y faire grand-chose. Petit à petit, alors qu’il est silencieux, Bonnie se laisse persuader du bien-fondé de son intuition qui lui martèle qu’elle a merdé. Sa raison se noie dans l’eau qui entrave sa gorge. Elle ne comprend rien à la situation, n’arrive pas à savoir quels signaux sont les bons, si les intentions de son ami d’enfance sont réellement vertueuses.

À la minute ou cette pensée lui passe par l’esprit, sa culpabilité grandit. Comment ose-t-elle douter de lui, alors qu’il est là ? Alors qu’il se démène pour elle ? Elle l’a laissé et lui n’a rien demandé, n’a rien à voir avec cette situation.

« Arrête de pleurer, c’pas grave. » Pourquoi quand on demande à quelqu’un d’arrêter de pleurer, les larmes semblent vouloir redoubler ?
Il s’approche encore et elle ferme les yeux, se recule un peu plus dans le dossier de son lit et fait un effort considérable pour garder les larmes dans ses yeux. Sa main est posée sur le drap maintenant. Alexander parle et Bonnie le sent dans sa voix, dans ses mots, qu’elle l’a mis en colère. Elle l’a déçu. Son cerveau reprend les chemins qu’elle connaît, malgré l’espoir qui lui souffle de se raccrocher à la sensation de soulagement qu’elle avait ressenti en percevant sa présence à son réveil. Mais elle ne peut ignorer la déception soulignée par ses derniers mots, ce qui suffit à son instinct de s’enfoncer dans un système de protection bien rôdé.

Elle ne bouge plus par peur qu’il remarque son trouble, n’ose pas le regarder, sait qu’elle aurait dû faire plus attention. La rousse a encore du mal à contenir ses larmes mais reste immobile, la tête basse. Ses doigts valides s’enroulent silencieusement autour du drap, elle contrôle sa respiration. Il lui faut être la plus immobile possible, doit se faire oublier. Bonnie voudrait acquiescer, lui faire comprendre qu’elle a entendu et qu’elle ne va pas pleurer. Elle sait qu’il n’aime pas quand elle pleure. Ils détestent tous ça. Bonnie ne sait pas ce qu’elle doit faire pour se faire pardonner, mais elle sait qu’il ne faut pas pleurer, au moins. Il a été clair là-dessus.

Le silence est de plomb, la danseuse ne sait pas quoi faire. Il lui faut un temps fou pour se contrôler, la silhouette courbée, le visage baissé. Elle sent le regard d’Alexander la détailler en silence mais n’ose pas relever les yeux, par peur d’y croiser quelque chose qui ne lui plairait pas. Elle déteste ce foutu silence qui lui laisse le loisir d’entendre son cœur exploser à ses oreilles. Ea n’a pas bougé, elle s’accroche à la fourrure rousse du regard pour ne pas faillir. Elle force encore sur ses paupières pour ne pas les plisser trop souvent et faire tomber des gouttes d’eau. Ses mâchoires sont serrées. Quand une larme glisse parfois sur ses joues, elle prie en silence pour qu’il n’en remarque rien. Bonnie se déteste vigoureusement de ne pas être capable de se reprendre.

« Ex… excuse-moi. » La rousse murmure. Alex n’a pas le temps de réagir, la porte s’ouvre pour et Bonnie soulève enfin les yeux. Son regard file instinctivement vers le profil d’Alex qui s’est tourné par réflexe vers la silhouette qui débarque. Elle examine attentivement les traits fatigués de son ami pour savoir s’il est encore fâché, ou si son silence a réussi à lui faire passer sa colère. Tout ce qu’elle remarque, c’est une sorte d’inquiétude ou de peur, elle ne sait pas. N’arrive pas à le lire correctement. Ça lui déplaît, car elle le connait par cœur normalement.

C’est la doctoresse qui intervient, à nouveau et élève la voix. Ça ne réveille même pas le chat qui se contente de faire un tour sur lui-même dans son sommeil pour mieux se coller contre Bonnie. La rousse est interpellée par sa soignante alors elle lui adresse son attention sans vraiment se redresser. Elle continue de se faire toute petite.

« Tout va bien, Mrs Hall. » Fumero met sa main à plat en s’approchant de sa patiente. La voix est basse, rassurante, sans pour autant faire transparaître toute la pitié que la petite silhouette rousse lui inspire. Bonnie se raccroche au regard noisette de son docteur, ses traits peinent à exprimer sa douleur qu’elle contient toujours. Les sourcils sont froncés.

« Tout va bien. » La soignante ne s’avance pas plus que de raison, ne touche pas la jeune femme traumatisée et qui garde une posture soumise. Fumero déteste ça, déteste les réflexes bien ancrés, déteste que sa patiente ait eu recours à son instinct de protection quand elle essaie tant bien que mal de la remettre sur pieds. Ça la frustre, mais elle le sait : ce n’est pas en trois jours que l’esprit se fera à l’idée qu’il est en sécurité. Ça lui fait mal au cœur aussi, de voir les efforts du contact d’urgence se multiplier sans qu’il n’ait de réponse sincère de sa part. Parfois, quand il ne la voit pas, Fumero l’observe et remarque la peine sur son visage, profondément ancrée. Il n’était que colère à son arrivée, aujourd’hui il essaie. C’est pourquoi elle l’avait laissé ramener son chat. Elle aussi s’était dit que cela aurait pu faire du bien à la jeune femme, en partie. De l’autre côté de la vitre, Helena n’avait pas entendu ce que Gray lui avait dit et qui avait prostré sa patiente. Il n’est pas très doué, même s’il essaie, il ne sait pas que n’importe quoi peut être déclencheur. Elle a déjà vu des proches perdre patience, mais il reste, c’est pourquoi elle est intervenue, veut se faire médiatrice. Personne d’autre n’est là pour Bonnie, personne ne l’a réclamée et elle n’a réclamé personne non plus. Fumero se dit qu’elle doit bien faire quelque chose pour qu’il puisse l’aider, et que Bonnie Hall puisse lui faire confiance, au moins un petit peu.

« Comment s’appelle-t-il ? » Bonnie baisse les yeux vers son chat puis remonte vers sa soignante. Sa gorge est serrée. Peut-être va-t-elle crier ? Elle n’en sait rien. En tout cas, elle lui a posé une question alors Bonnie doit répondre.

« Ea.
— C’est joli. Irlandais, non ? » Bonnie acquiesce. Elle ne se souvient plus de ce que ça veut dire, alors elle cherche. La distraction est simple mais détourne un petit peu la rousse de sa peur alors que ses méninges cherchent ce qu’elle avait dit à son ami à propos du nom de l’animal. C’était avant, quand ils vivaient ensemble, qu’ils se shootaient à deux. Elle ne se souvient plus pourquoi il lui avait offert cette boule de poil. Pour se racheter surement. Ses yeux fouillent dans le vide la réponse à la question posée, si bien qu’elle n’entend pas ce que s’échangent brièvement les deux venus. Avez-vous mal quelque part ?
— Un peu, aux côtes. Pas beaucoup. Elle minimise la douleur pour ne pas être un poids.
— C’est l’heure de relancer un peu votre morphine. » La rousse acquiesce, la laisse faire, sait qu’Alexander regarde, brûlant, la doctoresse manipuler le moniteur de la perfusion. La morphine est sa meilleure amie depuis son réveil. L’effet est quasi-immédiat, à nouveau et la rousse se sent rapidement plus légère, plus engourdie. Elle ne ressent pas le besoin de s’endormir, ce qui n’est pas plus mal, mais elle se repose malgré tout contre l’oreiller, profitant du petit nuage qui se coule dans son dos. Ses yeux reviennent enfin se glisser en direction de son ami d’enfance. Que lit-elle dans ses yeux ? Elle n’arrive pas à mettre des mots dessus. Son bras vient entourer la grosse créature poilue, ses yeux se perdent dans ceux aciers d’Alexander. Sa peur est toujours là et elle est persuadée d’avoir fait de la merde, mais elle peut enfin le regarder.

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Alexander E. Gray
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Mar 31 Jan - 11:52
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Bonnie & Alex


Bonnie semble écraser sous un poids qu’il ne pige pas. Plus il a parlé, plus il l’a vu se rétrécir, s’enfoncer dans son oreiller, prête à se fondre dans les tissus pour disparaître. Alex fronce les sourcils, attend une réponse, une réaction, mais il n’obtient rien d’autre qu’un silence étrangement pesant. Non, il ne comprend pas parce que la psychologie c’est pas le genre de la maison. Il est sincère, c’est pas grave et il le lui répètera autant de fois qu’il faut si c’est pour qu’elle arrête de pleurer. Ça lui broie le cœur, lui tord le bide. Il ne veut pas lui faire de mal, Bonnie est déjà suffisamment cassée comme ça.

- Ex… excuse-moi. »

Ses mots lui glacent les sangs, le gênent presque.

Depuis quand Bonnie s’excuse ? Elle est une tempête qui ne s’excuse jamais de tout défoncer sur son passage, qu’elle y soit pour quelque chose ou non. Dans de rares occasions, et parce qu’ils sont tout l’un pour l’autre, des « désolé » se sont formulés du bout des lèvres parce qu’ils préféraient s’arracher les lèvres en l’avouant plutôt que de crever sans l’autre. Dans cette piaule aseptisée et impersonnelle, Alex regarde le corps d’une femme qui ressemble à Bonnie, mais ça n’est pas elle.
Gray n’a ni le temps de parler, ni le temps de réagir, Dr Fumero entre dans la chambre après les avoir observée de derrière la vitre. Elle y a vu un spectacle déplorable mais Alex ne la regarde pas elle, mais son amie d’enfance. Ce qu’il voit dans ses yeux pleins de larmes le bousille un peu plus. Un talon invisible lui écrase les côtes. Les excuses se lisent sur son visage tout froissé de diverses émotions qui sont trop nombreuses pour qu’il puisse toutes les analyser. Ça le déstabilise. Pire, ça l’effraie.

La toubib parle, s’approche de Bonnie avec une douceur que Gray n’a pas. Elle la rassure, la rousse capte le regard de Fumero, Alex ne les quitte pas des yeux. Ce qu’il voit, c’est un étrange échange social dont il n’a jamais eu les codes. La toubib y va avec douceur, prévenance, s’approche comme l’on s’approcherait d’un animal effrayé. Et ce qui le brise le plus dans toute cette merde, c’est pas de ne pas savoir faire, c’est de voir les yeux de Bonnie accrochés à ceux de Fumero, en sécurité. C’est pas pareil que lorsqu’elle la regardé lui, quelques secondes avant. Il les observe discuter, spectateur du désastre dont il ne comprend rien comme le demeuré qu’il a toujours été. Elles parlent du chat, lui il se dit qu’il va se tirer pour prendre l’air, respirer un grand coup pour se remettre les idées en place. Il a le crâne qui va exploser, les nerfs qui vont vriller, parce qu’il comprend qu’elle le regarde comme le prédateur, comme s’il pouvait à tout moment être un Jay 2.0. C’est ça, non ? C’est pour ça qu’il la fait chialer tout le temps, quand il parle ou non, quand il essaie des trucs qu’il pense être une putain idée de génie mais qui se solde par des crispations de mâchoires, des regards terrorisés et larmoyants. Il est l’homme qui pourrait lui taper sur la gueule.

Les mains toujours bien enfoncées dans ses poches, Alex n’a pas décroché un mot parce qu’il est trop occupé à la regarder et à penser à demain. Puis aux autres « demain ». Ça va être quoi quand elle va sortir ? Quand il va la récupérer chez eux ? Il a pas envie d’être celui qui la terrorisera dès qu’il ouvrira la bouche. Alex veut retrouver sa place auprès d’elle et, avant tout, la retrouver elle sous toutes ces couches de terreurs ancrées dans ses veines. Il regrette, plus qu’il ne pourra un jour l’exprimer, ce jour où il ne la pas retenue. Ce jour où il ne s’est pas écouté et n’est pas venu jusqu’à chez Jay pour la tirer de là-bas. Il sait que ça ne sert à rien de remuer la merde, que ça ne changera pas la situation ni le fait que Bonnie soit morcelée, mais il peut pas s’en empêcher.

Alex cligne des yeux quand Fumero bouge, injecte de la morphine dans la perf’ de Bonnie. Son amie change aussitôt d’expression. Son visage se détend, ses yeux s’apaisent. Comme lorsqu’ils se shootaient ensembles. Ea n’a pas bougé, trop content d’avoir retrouvé sa maitresse contre qui il dort.
Les deux amis d’enfances se regardent à nouveau et Alex a envie de la serrer contre lui. Ça lui prend comme ça, du fond du bide. Un besoin presque vital de la toucher, la sentir, se rassurer qu’elle est encore là, quelque part, sous cette couche de crasse qui n’est visible que par elle et que lui, devine, derrière ses grands yeux effrayés. Mais il fait pas, se sent comme sur la brèche. Tout ce qu’il pourrait dire ou faire pourrait être désastreux. C’est impuissance va le rendre taré.

Le Dr Fumero lui jette un regard. Pas besoin de l’entendre pour comprendre qu’il devient le problème. Jamais il aurait cru ça un jour, qu’il serait la cause de ses larmes, la cause de sa peur. Pas comme ça. Pas lui.
Alex ne s’approche pas du lit, mais il fait du mieux qu’il peut pour contrôler toute la vague d’émotion qui se castagne dans son thorax. Il radoucit son ton sans grand succès, parce qu’il est une brute et qu’on n’apprend pas à devenir soft en si peu de temps.

« J’reviens. Reposes toi.” Il fait quelques pas, s’arrête. Se rappelle. « J’suis juste à côté. »

Il partira pas, il le lui assure encore une fois. Il esquisse même un sourire franc derrière sa barbe taillé et Alex quitte la piaule, juste derrière Fumero. On pourra bien lui dire ce qu’on veut, mais la présence d’Ea avait un côté rassurant.
Ils ne se disent rien jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment éloigné pour ne pas être entendu. C’est-à-dire : dans le bureau du toubib. Alex ressemble à un l’ado convoqué pour la trentième fois dans le bureau du dirlo pour une énième connerie.

« Asseyez-vous. »

Il ne s’assoit pas. Il fonctionne sur les nerfs, la fatigue le ronge, mais jamais il ne se plaint. C’est pas son genre à lui de geindre. Il encaissera en fermant sa gueule, il va assurer jusqu’au bout. Quoi que ça lui coûte.

« J’ai conscience que vous faites de nombreux efforts, M. Gray et beaucoup d’entre eux s’avèrent payant, mais il vous faut impérativement prendre garde à ce que vous lui dites et à la façon dont vous le faite.
- J’suis pas l’ennemi.
- Je n’ai jamais dit qu…
- Elle, si. C’est c’qu’elle pense. Ca s’voit à des kilomètres que j’lui colle la trouille. »

Le ton de sa voix est tendu, pas agressif mais gorgé de colère.
Il a mal au bide mais n’en dit rien. Il a envie de marteler que lui, jamais il n’irait lui coller son poing dans la gueule et qu’au contraire, il donnerait n’importe quoi pour éclater celle du coupable. Alex veut se justifier que lui, n’est pas le monstre que Bonnie croit voir.

Il va gerber. Ca le rend fou.

Fumero le regarde sans rien dire, d’abord. Il croit voir un éclat peiné et ça l’agace plus encore. Il ne veut aucune pitié.

“C’est vrai.” Elle ne le ménage pas, c’est sûrement pour ça qu’au fond Alex la renvoie de moins en moins chier. Elle est transparente avec lui et ne cherche pas à lui servir un discours tout fait. A travers ça, il voit son dévouement pour sortir Bonnie de là et ça suffit au videur pour l’apprécier un minimum. « Pas pour qui vous êtes mais plutôt pour ce que vous êtes.
- Merci, Maitre Yoda. En anglais, ça donne ?
- Parce que vous êtes un homme, M. Gray. Juste ça, un homme, comme celui qui l’a maltraitée et terrorisée pendant tout ce temps. »

Il détourne les yeux, marche dans le bureau comme un lion en cage. Ses poings serrés aux phalanges blanchies le chatouille : il veut frapper. Encore et encore. Démolir. Détruire. Alex n’est bon qu’à ça, la destruction. Pourtant, il n’envisage pas une seconde d’abandonner Bonnie. Il apprendra à bâtir, c’est tout.

« Ok et j’suis censé faire quoi ?! Lui parler d’la météo et lui dire à quel point votre bouffe est dégueulasse pour éviter une crise de larme et de panique ? » Son ton est agressif cette fois parce qu’Alex en a plein le cul qu’on lui dise quoi et comment faire comme s’il n’était pas celui qui connaissait le mieux Bonnie. Mais dans sa question et dans sa brutalité, il y a une demande, une aide qu’il ne formulera jamais autrement.

« Ou de vous taire si c’est pour dire ce genre d'âneries. » Alexander voit rouge quand il se tourne vers Fumero mais il redescend bien vite. Elle a ouvert le tiroir de son bureau et fait glisser un fascicule sur la surface, vers lui. « Je ne doute pas de votre volonté de bien faire, mais il faut que vous entendiez que dans ce genre de situation, il faut revoir toute votre façon d’être et d’agir le temps que Mrs. Hall puisse se remettre. » Elle pousse un peu plus le papier vers lui, lui fit un signe du menton. « Nous avons un groupe de bénévole qui intervienne tous les Mardi et Vendredi dans le gymnase à trente mètre de l’hôpital. C’est une sorte de … formation pour accompagner les proches des personnes victimes de violences conjugales, sexuelles et familiale. »

Alex fixe le dépliant couleur crème à l’écriture moche, puis revient vers le visage de la toubib. Tout chez l’homme pue la colère mêlée à l’impuissance. Et si Bonnie restait bloquée dans cette terreur pour toujours ?

Elle ira s’foutre en l’air.

Ses jambes deviennent cotonneuses.

« J’vois pas comment des inconnus pourraient savoir mieux que moi comment m’comporter avec elle.
- Parce qu’ils ont déjà été dans à votre place. » Elle lâche un soupire du bout des lèvres. « Je sais que demander de l’aide vous coûte, mais si ça n’est pas pour vous, faite le pour elle. Essayez, juste une séance. »

±

Alexander revient de sa quatrième séance, le moral au fond des égouts qu’il longe d’un pas lent. La tête enfoncée dans sa veste, les mains dans les poches, il traîne non loin de l’hôpital, la tête pleine à craquée d’informations dégueulasses, terrifiantes et qui le frustre plus que ça ne l’aide. Ce soir, ils ont eu le droit à un cours sur la façon dont le conjoint pliait sa victime comme un vulgaire morceau de papier allu’, à son bon vouloir, jusqu’à ce qu’elle cède. A chaque exemple, Alex imaginait Bonnie à genoux devant Jay, persuadée qu’elle méritait d’être tabassée pour avoir faire cramer un toast. Il la visualisé dans des situations abjectes, encore nauséeux de rage et de frustration. Deux nanas sont venus témoigner et Alex le sait, si elles n’étaient pas venu partager leurs expériences, il n’aurait pas cru un putain de mot de ce qu’il avait entendu juste avant. Parce que ça le dépassait, allait beaucoup trop loin dans l’horreur et que d’imaginer Bonnie soumise lui était totalement lunaire. Faut aussi comprendre qu’Ethan l’a toujours connu comme un incendie ingérable et incontrôlable. Bonnie Halls était la petite nana au poids plume et à la petite taille qui envoyait chier les flics sans trembler, sans baisser les yeux, à les rendre dingue dans la bagnole puis en cellule. C’était celle qui s’interposait, tapait dans les couilles d’un type trop lourd, gueulait jusqu’à ce que tout L.A l’entende. Elle était indomptable. Maintenant, il fallait qu’Alex intègre qu’un homme avait réussi à la briser suffisamment pour la faire taire. Elle, sa tempête. Sa Bonnie. Entendre aussi qu’elle sera plus jamais vraiment la même, que ce sac à merde avait réussi à la broyer pour la réduire à rien d’autre qu’un objet obéissant. A chaque retour de séance, Alexander l’observait, assit dans un coin de la piaule quand la morphine l’emportait parfois dans des sommeils troublés. Plus il la regardait vivre, plus la réalisation était violente. Les détails lui sautaient à la gueule, devenaient des évidences auxquelles il était resté aveugle. Elle ne tourne jamais le dos à la porte, ne baisse jamais les yeux sauf lorsqu’elle se sent en faute, non pas par provocation mais pour s’assurer de l’avoir toujours en visuel. Elle sursaute quand il parle un peu trop fort. Se rétracte lorsqu’il s’approche sans qu’elle ne s’y attende. S’excuse pour tout. Pour rien.

Alex se passe machinalement une main dans les cheveux, les fout plus en bordel qu’ils ne le sont déjà et quand il regarde l’heure, il râle. Deux heures qu’il traîne, il n’est pas loin de minuit. Il a rien vu passé, plongé dans ses délires de fureur et d’horreur, son vieux sac de sport rafistolé en main. Parfois, par instinct, il cherche des yeux la bagnole de Bonnie ou la gueule de Jay, s’imagine le choper par le col et le traîner dans une impasse pour lui faire sa fête… Mais depuis qu’il suit ces séances, Alex comprend qu’il doit s’occuper de Bonnie avant de laisser exploser sa rage. Ça lui coûte une énergie monstre, personne ne sait à quel point le videur fait un effort surhumain pour ne pas partir à la quête de ce fils de chien pour le défigurer jusqu’à s’en briser les phalanges. C’est dans sa nature la plus profonde que de défendre Bonnie et de faire payer celui ou celle qui se risquerait à toucher à un seul de ses cheveux. Mais son amie a besoin de lui, plus que tout le reste alors il ravale ses démons, ravale ses désirs de meurtre et se rentre tous les jours auprès d’elle, sans cette piaule qu’il a tenté de personnalisé élément par élément. Des trucs à elle, rien de flagrant ni de trop brutal, juste des trucs qui pourraient la rappeler à ce qu’elle est et était. C’est pas en cinq séances qu’Alexander deviendra un pro’, mais même Fumero s’étonne de voir les changements flagrants chez ce type.

Il check son portable avant d’entrer dans l’établissement, lit le texto de Cal qui lui assure qu’il peut prendre le temps qu’il faut, que s’il a besoin de quoi que ce soit il n’avait qu’un coup de fil à passer. Dans son malheur, Alex s’estime foutrement chanceux. Ils n’étaient pas nombreux ceux qui pouvaient se vanter d’avoir un patron si conciliant. Cal sait qu’Alex le lui rendra chaque pourcentage en bossant trois fois plus s’il le fallait. Ses gros doigts maladroits tapent rapidement sur l’écran et quand Gray lève le regard, il a un temps d’arrêt. Ses veines prennent feu, le manque vient le faucher sans prévenir.
Tout au fond du parking, il voit deux silhouettes s’approchées l’air de rien mais pour Alex, c’est tout un langage qu’il lit dans la façon de se tenir. Il connait cette dégaine désabusé par cœur, les coups d’œil vifs, adroits, pour choper le moindre uniforme du regard, cette façon leste et agile de se serrer la main. Il a fait ça pendant des années, dealer et junkie. Son ventre se tord brutalement. Un coup de chaud le saisit jusque dans la nuque qui devient incandescente, ses mains fourmillent, le creux de son bras le brûle. Ça fait combien de temps qu’il ne s’est pas shooté ? Il ne sait même plus. Depuis que Bonnie s’est tiré, Alex a ralenti la cadence parce qu’il s’était foutu la gueule dans le taff à corps perdu mais jamais il ne s’était complètement arrêté. Aujourd’hui, dans cette période de stress absolu, de colère inassouvie et de frustration  étouffante, il rêve d’un rail de coke ou d’une seringue d’héro dans le bras. Juste de quoi lui remettre les idées en place, de le rendre plus alerte, plus éveillé. Plus résistant. Il reconnait là toutes les putains d’excuse bonne à justifier ses shoots.

« M. Gray ? »

Alex se retourne, croise le regard de Fumero qui sort de sa bagnole pour rejoindre l’hosto.

« ‘Soir. »

Il a la gorge aussi sèche que le désert du Nevada.

« Vous partez ?

- Nan, j’viens d’arriver. J’étais à l’assoc’.”

Ils marchent côte à côte, Fumero a un sourire discret. L’homme n’était pas une cause perdue, finalement. Il y met du cœur et parfois elle le voit encore maladroit, mais ses progrès sont visibles. C’est peu étonnant alors que l’on revient d’aussi loin que lui.
Le toubib l’a détourné de son manque, pour un temps. Quand Alex rentre dans la chambre, Bonnie est couchée, lumière tamisée, le visage face à la porte. Il est arrivé plus tard que d’habitude et il voit dans ses yeux que son amie est soulagée de le voir enfin rappliquer.

« Désolé, ça a prit plus de temps qu’prévu. »

Bonnie ne sait pas ce qu’il fait tous les mardi et vendredi de chaque semaine et lui, il veut pas lui dire. Admettre son impuissance lui coûte encore beaucoup et il préfère la laissé dans l’ignorance. Ea n’est pas là ce soir. Le Dr Fumero leur a autorisé une visite deux à trois fois par semaine, à des jours bien précis pour éviter tout scandale. La télé de la piaule chuinte un programme en fond, tout bas comme un murmure mais Ethan sait que Bonnie n’en a regardée aucune image.
Le videur tire sa chaise jusqu’au lit, face à elle, après avoir déposé sa veste sur le dossier et son sac par terre. Il est minuit passé, son amie dort toujours pas mais après deux semaines et demi à l’hôpital, elle reprend un visage plus lumineux certains jours. Ses bleus changent de couleurs, ses pommettes et sa lèvre ne sont plus gonflées et demain elle devra passer sur le billard pour ses doigts encore immobilisés. Des broches à mettre en place, de ce qu’il a compris.

Contrairement à toutes ces autres entrées, Alex est arrivé dans le calme. Son pas est plus mesuré, ses gestes aussi et il prend garde à ne pas parler trop fort. Il apprend aussi à lutter contre tous ses instincts d’amour envers Bonnie.
Elle lui a manquée, à en crever. Jamais personne ne pourra savoir à quel point la douleur lui a été insupportable, plus que le manque d’un shoot, plus que le lendemain de son overdose. La rousse est allongée sur le côté, en position fœtale, son visage calé contre sa main valide, enfoncé dans l’oreiller.

Alex veut la prendre dans ses bras, s’allonger près d’elle et la garder au chaud, contre son torse. Comme avant. Pour la faire se sentir en sécurité. Mais parce que les nanas de ce soir ont rappelé ce qu’était du PTSD et que Bonnie en était sûrement gorgée jusqu’à la moelle, il fait rien et se contente de s’assoir en face elle. Pas trop loin, mais pas trop près non plus.

« J’t’ai ramené ça. » Il se penche et ouvre, délicatement, le sac pour sortir l’un de ses sweat à capuche. Une vieille fringue qu’il traine depuis des années, qui datent de L.A. Ethan lui tend, puis le dépose doucement au bord du lit. Bonnie a porté chacun de ses sweat comme si c’était les siens, il se dit qu’elle pourra y trouver un réconfort dans ce tas de tissu qui porte son parfum.
Les lampadaires frappent le dos de Bonnie et la couvre d’une ombre douce avec les lumières tamisées des petites loupiotes qu’il a installé pour éviter d’agresser les yeux de la jeune femme. Il retient sa main qu’il veut poser sur sa joue, retient ses murmures et ses manques. Alex se contente de sourire doucement, de chasser le visage des deux femmes qui sont venu témoigner.

« Comment tu t’sens ? » … Remplace les « ça va ? » parce que non, ça ne va pas. Coudes appuyés sur ses cuisses, son timbre grave, tranquille, couvre le murmure de la télé.

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