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Dark Madness [OS]

@ Sanae H. Tanaka

Sanae H. Tanaka
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Jeu 5 Jan - 7:16
Novembre 2016, Comté de Devon, Angleterre.


« Emmenez-les au Ministère, perdez pas de temps. »

Huggins regardait les deux hommes ligotés et bâillonnés devant lui. Ces traîtres avaient été mis à genoux, retenus par les mains brutales des trois rafleurs à leurs côtés. Ils les relevèrent sous le regard sombre de leur Général.

« Et mettez-les en cellule…. » grogna-t-il, surprenant l’oeil insolent et rancunier d’un des traîtres. « ..séparés... » ajouta Huggins. Il se fendit d’un sourire. « On verra s’ils ont accordé leurs violons. »

Les trois rafleurs acquiescèrent en ricanant et embarquèrent les prisonniers, les forçant à s’éloigner de la petite maison qui gémissait sous les flammes. Sur une petite colline entourée d’étendues vertes et fleuries, la bâtisse luttait contre le feu dévorant qui grignotait chaque poutre, chaque mur, chaque semblant de vie dans une floraison rougeoyante. Elle se ratatinait sur elle-même, se recroquevillait et s’abandonnait aux flammes qui dispersaient des braises et des cendres dans l’air. L’atmosphère se chargeait d’une brume noire.

Huggins mit ses mains derrière son dos et quand les rafleurs disparurent dans un crac sonore au milieu du paysage, il se retourna vers la maison et posa son regard sur la silhouette qui y faisait face. Immobile et droite comme un piquet, elle était enveloppée d’un manteau rouge sur lequel tranchait le noir de ses cheveux lisses. Elle les avait rejoint rapidement, comme toujours. Il s’avança vers elle, s’engouffrant dans la fumée et les envolées de braise. En quelques pas, il l’avait rejointe, se postant à ses côtés.

« Ne soyez pas déçue. »
dit-il simplement.

Elle ne répondit pas. Son regard restait braqué sur la maison qui devenait ruines. Enfin, quand une cendre épaisse vint s’envoler devant leurs visages, une main sortant du manteau rouge s’éleva rapidement dans l’air pour l’attraper. La cendre fut écrasée entre deux doigts.

« Je le serai si nos prisonniers n’ont rien à nous offrir. » dit-elle d’une voix trop calme et trop douce pour ne pas faire frissonner son collègue. Il se racla la gorge.

« Je suis sûr que vous trouverez de quoi vous satisfaire dans leurs esprits.
- Il faut espérer, étant donné que vous avez détruit un lieu qui aurait pu détenir de précieuses informations, dit-elle, frottant son index et son pouce pour se débarrasser de la cendre.
- Les traîtres nous ont donné du fil à retordre. Mes hommes ont du maîtriser la situation. »

Il se justifiait. Et elle détestait ça.

« Si Rivers est passé par là, ils pourraient avoir…
- Si Rivers est passé par là, leurs esprits seront aussi vides que ceux de vos hommes, trancha-t-elle.
- Ils pourraient néanmoins détenir des informations sur la Garde, rétorqua Huggins, acide. Rivers n’est pas le seul que nous recherchons. »
Cette fois-ci, la sorcière se tourna vers lui. Son visage avait glissé lentement vers lui et ses prunelles aussi sombre que la fumée qui alourdissait l’air se braquèrent dans les siennes. Il cligna nerveusement des paupières.

« Il est le seul qui importe vraiment. »

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Sanae H. Tanaka
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Jeu 5 Jan - 7:18
†††




Novembre 2016 – Comté de Yore, Royaume-Uni.




Dans le jardin aux pieds d’une large bâtisse, sur une herbe parfaitement coupée, la sorcière demeurait immobile et tranquille. C’était ce moment avant le petit jour où le monde était encore baigné d’ombres et où l’on pouvait compter l’arrivée du soleil par des minutes. De précieuses minutes où le silence était encore sien et où la nuit lui susurrait à l’oreille quelques mots dans un souffle frais qui effleurait sa nuque. Le temps, en ces lieux, ne s’écoulait pas comme sur la Terre. Il ne s’agissait pas de ce domaine avec ces arbres fruitiers, ces grandes haies bien taillées, cette façade blanche et beige sur laquelle grimpait du lierre, mais d’autres lieux, là, par-delà les paupières closes. L’esprit était exploré, tantôt avec lenteur, tantôt avec une avidité qui frôlait la course, l’extrême dérive des continents. Elle se frayait un passage en elle-même, déplaçait des souvenirs comme l’on retrouve, nettoie et range les objets d’une maison, et si elle en écartait certains, inutiles ou déplaisants, ce n’était que pour faire resurgir de vifs détails, des paroles oubliées, des éclats de tempête qu’il lui plaisaient de raviver. Elle façonnait, méticuleuse et agile, un puzzle de souvenirs que nul autre esprit aurait été capable de reconstituer dans sa forme première. Là où les coins, les angles et les arrondis ne coïncidaient pas, elle forçait, grignotait des morceaux autre part et revenait construire dans les sillons et les crevasses de quoi faire tenir le tout uniformément.

Nul autre esprit ?

La nuit susurrait parfois avec acidité.
Comme un fil qu’on titillait d’un doigt joueur, l’esprit vibra tout entier. Un tremblement de terre fit dériver les pensées et elles s’éparpillèrent, petits insectes effrayés qui fourmillaient dans des directions opposées, fuyant la fureur qui montait. Un esprit, un seul, aurait pu défaire et refaire le puzzle mental. Un seul. Il lui apparaissait clairement. Les traits aussi fins que les siens, les cheveux aussi noirs, la même forme d’yeux, la même empreinte natale, et le même don. A travers les souvenirs d’autres esprits, Sanae Tanaka affrontait son ennemi. L’acier contre le saphir noir, étincelants tous deux d’un éclat terriblement tranchant. Différents et semblables à la fois, ils se croisaient d’esprit en esprit sans jamais se rencontrer, se toucher, se parler sans intermédiaire. Une étrange Guerre Froide se jouait entre eux. Un jour, elle le trouverait.
Il n’y aurait alors sur cette Terre plus qu’un seul d’entre eux.
Un seul aussi puissant.

Dans les ramures des arbres du jardin, la brise s’intensifia. Le jour se levait progressivement dans le ciel devenu plus clair. Pourtant, à l’intérieur de cet esprit, au fin fond d’un néant opaque s’étendaient des éclairs et vrombissait le tonnerre. Ce ne fut pas la pluie qui s’abattit en elle mais la grêle.



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Sanae H. Tanaka
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Jeu 5 Jan - 7:19
Novembre 2016, Quartier de Westminster, Londres Sorcier.



La cathédrale de Westminster se dressait, majestueuse, vers le ciel sombre. Enroulée dans son manteau rouge, les mains dans ses poches, Sanae Tanaka observait d’un œil froid les nuages qui, éclairés par la lune, se détachaient de l’obscurité. Le ciel crachotait une pluie fine qui se déposait sur ses cheveux noirs et le tissu épais de son manteau. Un mauvais temps qui correspondait étrangement aux nouvelles de ce début de journée. D’une humeur d’encre donc, la sorcière s’avança vers les marches de la cathédrale. Elle n’emprunta pas l’entrée principale qui déverserait dans quelques heures son lot de touristes bravant le temps maussade, mais passa par une des entrées secondaires qui longeaient la façade de la grande bâtisse religieuse. Ses talons claquèrent sur les marches et elle se posta, le dos droit et le regard fixe, devant la porte. Elle frappa un seul coup. Une toute petite fenêtre dans la porte s’ouvrit alors, le bois se décalant de quelques centimètres pour laisser apparaître deux yeux aux contours ridés surmontés de sourcils broussailleux. Elle ne dit rien, se contenta de regarder profondément les deux prunelles qui la jaugeaient. Bien vite, les prunelles s’agrandirent et la petite fenêtre se referma avec empressement avant que la porte ne s’ouvre en grand, une lumière chaude se diffusant sur les marches. Un vieil homme aux cheveux grisonnants fixait, rigide, la sorcière.

« Ils vous attendent. »
murmura-t-il.

Elle fit un mouvement de tête simple, acquiesçant avant de se glisser à l’intérieur. Un petit hall tout en rondeur donnait, par une seconde entrée, sur une partie isolée de la cathédrale qui n’était pas montrée aux touristes. Depuis la nouvelle scission avec le monde moldu, les gouvernements avaient longuement tergiversé sur une répartition plus juste des territoires. Certaines zones de Londres étaient dorénavant interdites aux moldus et protégées par des sortilèges puissants qui s’étalaient sur des kilomètres ou seulement, comme ici, sur de menues morceaux de quartiers. De nombreux lieux de passages donnaient l’occasion d’aller d’un bout de la ville à un autre, de même que certains sous-terrains abritaient une vie secrète. La célèbre Cathédrale de Westminster était devenue un passage fréquenté pour atteindre les Nouvelles Allées commerçantes du monde sorcier. Ainsi, ce qui avait autrefois été Chapter House, un cloître réservé aux moines, s’était transformé en un large espace octogonal où avaient été installés des box d’identification entourant un portail – une version sorcière des péages qui, en plus, enregistraient l’identité de chaque sorcier.e se rendant aux Nouvelles Allées et gardaient en mémoire tous les visiteurs.

Mais ce matin, plus personne ne pouvait passer.
A 5h30, lorsque les employés de Chapter House arrivèrent pour prendre leur poste, ils avaient fait une funeste découverte. Un corps avait été retrouvé inerte près de l’entrée, tandis qu’un autre avait été attaché à la colonne centrale qui partait du sol jusqu’au plafond. Ce dernier était néanmoins encore vivant. Si cette affaire aurait relevé d’autres branches de son organisation, Sanae Tanaka avait été néanmoins appelée pour une raison précise : l’une des victimes était un informateur de son groupe qui, dans sa lente agonie, semblait vouloir délivrer un message. On avait fait parvenir un missive urgente à la Générale Tanaka vers 6h00, la priant de se rendre rapidement à Chapter House face à la découverte d’un mort et d’un grave blessé.

Alors, quand la sorcière pénétra dans le cloître, tous les regards se glissèrent vers elle avec nervosité. Elle fronça les sourcils mais continua à s’avancer. La pièce principale de Chapter House était immense, autant en largeur qu’en hauteur. Un plafond en voûte formait une sorte de parapluie de pierres blanches et grises qui suivaient des lignes courbées jusqu’à redescendre vers le sol en encadrant de larges fenêtres aux vitraux magnifiques. Des torches lévitaient à quelques mètres des toutes les têtes et donnaient un reflet étrange aux visages peints sur les vitraux colorés. Sanae eut même l’impression qu’ils la regardaient, eux aussi. En avançant, elle distingua une foule de manteaux noirs entourant le pied de la colonne centrale, là où le corps du blessé se trouvait encore apparemment, et un brouhaha de murmures fébriles s’étendaient jusqu’à elle. Pourquoi ne l’avaient-ils pas bougé ? Elle s’avança d’un pas plus rapide avant qu’un bras ne saisisse le sien. Le Général Simmour, du groupe des Activistes, la regarda de ses yeux verts perçants. C’était un homme aux cheveux roux, bouclés, et au visage fin d’une pâleur qui faisait penser à la lune. Il faisait bien plus jeune qu’il ne l’était. Elle eut un mouvement de recul et il relâcha sa prise.

« C’est Barnet. » dit-il à voix basse. « Je ne sais pas s’il était déjà revenu de mission ou s’il a été emmené jusqu’ici mais il est en sale état. Il a expressément demandé à te parler. » Elle hocha la tête, intégrant les informations. Barnet n’était même pas censé être dans le coin, elle l’avait envoyé dans le monde moldu la veille pour obtenir des informations sur un portoloin illégal.
« Et l’homme qui est mort ?
- Un garde. Il est là toutes les nuits. Ils ont du le tuer en forçant l’entrée, dit Simmour, les dents serrées.
- La Garde ?
- C’est notre théorie. Barnet t’en dira sûrement plus. Vas-y, il ne va pas tenir longtemps. » ajouta-t-il en regardant vers la colonne.
« Pourquoi vous ne l’avez pas détaché ? dit la Générale.
- Impossible... »

Il soupira, remit ses mains dans ses poches et fit un geste du menton pour lui intimer d’aller voir par elle-même. Elle s’avança et la foule se dispersa alors qu’un dernier flash de photographie éclaira la colonne. Simmour éloigna les manteaux noirs et Sanae put alors distinguer très nettement la scène, avançant d’un pas prudent. Son regard retomba sur le corps de Barnet. Des cordages ensorcelés scintillaient autour de son corps et s’ancraient dans sa chair. Son visage était balafré, tuméfié, et une flaque de sang s’étendait tout autour de lui. Un filet de bave s’écoulait de ses lèvres entrouvertes. Il redressa très légèrement la tête dans une grimace et la fixa de son seul œil fonctionnel ; l’autre était gonflé, presque complètement violet. Elle se rapprocha, ses talons baignant dans le sang pourpre qui maculait les dalles de carrelage. Elle s’accroupit face à lui, ses avant-bras sur ses genoux.

« Barnet ? » l’appela-t-elle à voix basse.
Un grognement lui répondit. La bouche trembla et le filet de bave s’épaissit.
« Ta-na-ka…., articula-t-il.
- Qui a fait ça ? »
Il voulut parler mais seuls des sons indistincts sortirent de sa bouche. Elle releva légèrement le menton, la mâchoire crispée. L’oeil de son informateur sembla la supplier. Il allait mourir bientôt. Et les sortilèges englobant les cordages ne pouvaient sûrement n’être relevés que par celui qui les avait lancés. Une bonne idée.
« Montre moi tout. » dit-elle d’une voix ferme.
Puisqu’il fallait qu’il délivre son message, mieux valait agir vite. Elle entra dans son esprit par la seule entrée possible : un seul œil dilaté qui n’arrivait pas même à pleurer.

Pendant quelques minutes, il n’y eut plus aucun bruit dans Chapter House. Les respirations s’étaient comme suspendues et tous les regards étaient tournés vers la silhouette accroupie qui faisait face à l’homme à l’agonie. Simmour avait croisé les bras et fixait attentivement la scène en grinçant des dents, entouré de ses hommes. Dans un coin, les trois employé.es de Chapter House qui avaient découvert la scène s’étaient assis, le visage marqué par des larmes intempestives que les deux membres de la Brigade de Police du Ministère tentaient d’ignorer en jetant des regards nerveux vers ce que tout le monde observait. Après ce qui parut être un temps infini, Sanae Tanaka se releva et se  mit droite, son visage penché vers Barnet. Il rendait son dernier souffle et elle attendit que son œil se ferme. Quand ce fut fait, une longue et profonde expiration sortit de ses narines et elle se détourna du corps de son informateur.

La rage autant que le sang imprégnait chacun de ses pas. Les images que lui avaient délivrées Barnet tourbillonnaient dans son esprit et les mots rebondissaient sur chaque nerf. Alors qu’elle s’éloignait, Simmour fut rapidement à ses côtés. Ils traversèrent ensemble la foule qui les regarda sans savoir quoi faire. Tandis que certains affluaient auprès du corps de l’informateur qui s’était éteint, Tanaka et Simmour sortaient de Chapter House. Ils s’arrêtèrent sur les marches et leurs silhouettes n’étaient éclairées que par la lumière qui se déversait de la porte ouverte. Le vieil homme à l’entrée disparut quand Simmour le fixa trop vivement.

En haut des marches, Sanae passa une main nerveuse dans ses cheveux. La fureur rendait ses prunelles plus sombres encore.

« Ta théorie était juste, dit-elle.
- La Garde, donc. Ils deviennent plus culottés ces derniers temps.
- En effet... » dit Sanae, les dents serrées.
Autour d’eux, une brise de levait.
« Respire Tanaka. » dit son collègue en s’allumant une cigarette.
Mais c’était peine perdue, il le savait. La Générale était tout autant connue pour sa grande froideur que pour son tempérament de feu.
« Qu’as-tu vu ?
- Comme d’habitude, des Gardiens masqués.
- Et des voix modifiées.
- Ils ont le sens du détail.
- Et du spectacle, apparemment, dit Simmour, en soupirant.
- C’était une vengeance, reprit-elle. Pour la dernière fois où ils sont tombés sur un informateur sous Impero.
- Lequel ?
- Un barman des Nouvelles Allées.
- Celui qui avait disparu il y a deux semaines ?
- Oui, il s’est tué quand ils l’interrogeaient.
- Comme prévu, donc. Voilà qui n’a pas du leur plaire.
- Apparemment pas. Ils ont trouvé Barnet dans le monde moldu et l’ont embarqué ; ils savaient que sa mort ferait sensation.
- C’est réussi. Et le message ? »
Sanae Tanaka regardait droit devant, les yeux fixes et l’air fermé. Simmour l’observait dans l’attente d’une réponse. Elle soupira. « Vous aurez plus de cadavres que d’informations. Voilà leur message. » Simmour hocha silencieusement la tête en prenant une nouvelle bouffée de cigarette.
« Culottés, c’est bien ce que je disais.
- Présomptueux, même. »

Elle descendit quelques marches, ses mains se nouant dans son dos. Elle réfléchit quelques secondes avant de se tourner vers Simmour.

« Comment ont-ils su où trouver Barnet ? Siffla-t-elle.
- Très bonne question. Qui savait pour sa mission ?
- Deux autres informateurs du groupe, Huggins et un de ses rafleurs, moi, et toi.
- Avait-il un itinéraire précis ?
- Il avait un point de départ. Il devait retracer le passage jusqu’au portoloin en relevant toutes les informations sur les gens qu’il voyait. Un rafleur nous avait donné cette piste.
- Peut-être n’avaient-ils pas prévu de tomber sur Barnet, dit Simmour. Il s’est peut-être trahi auprès des mauvaises personnes. »

Elle soupira. Tout était possible mais Barnet avait toujours été un bon élément. Cela faisait des années qu’il travaillait en tant qu’informateur et il était un des plus discrets.

« Soit Barnet a commis une erreur, soit nous avons une taupe, dit Tanaka.
- Doucement…ne tire pas tout de suite des conclusions. Tu n’as pas pu voir sa capture ?
- Non. Son esprit avait été vidé de toute information exploitable. »

La frustration la faisait grincer des dents. Simmour écrasa sa cigarette sous son pied alors que la sorcière remontait les marches, l’air pensive. « Écoutes, je me charge de ce merdier. De ton côté, retrace tous ceux qui étaient au courant pour la mission de Barnet, histoire qu’on puisse invalider la théorie d’une taupe. On se retrouve dans quelques heures pour faire notre rapport. » dit-il.

Elle se plaça sur la même marche que lui, les mains dans le dos, et eut un léger sourire moqueur. La sorcière ancra ses saphirs noirs dans les émeraudes de son collègue.
« Toi aussi tu savais…, murmura-t-elle. Devrais-je te questionner maintenant ou plus tard ? »
Il enfouit ses mains dans ses poches et eut un souffle amusé, secouant légèrement la tête. Il finit par reposer ses yeux sur elle.
« Je t’en prie, sonde mon esprit, tu n’y verras aucun secret.
- Tout le monde a des secrets.
- Tu connais déjà les miens. »
Vrai. Elle était déjà entrée dans son esprit. Il y eut un instant de silence durant lequel l’amusement retomba chez Simmour. Il déglutit. Elle entra, traversant ses souvenirs et ses pensées. Pas une taupe. Elle fut surprise de constater qu’il avait toujours un penchant pour elle. Quand elle sortit, il cligna plusieurs des yeux en se raclant la gorge et elle eut un sourire moqueur en coin.
« C’est mignon. »

Elle ramena ses bras à ses flancs et commença à descendre les marches.
« Je le prends comme une insulte. » lança Simmour.

Il la regarda partir.




A suivre....

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Sanae H. Tanaka
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Jeu 5 Jan - 7:20
Novembre 2016 - Comté de Yore, Royaume-Uni.





« A quoi penses-tu ? »

Hisaé était assise confortablement sur des coussins disposés sur le tapis du salon. Elle tenait de quelques doigts sa tasse de thé fumante. Ses cheveux noirs étaient relevés au sommet de sa tête dans une chignon élégant d’où se voyaient à peine quelques épingles. C’était une belle femme, fine, grande, avec son lot de rides aux coins des yeux et de sa bouche fine. Son regard fixait avec une apparente sérénité la jeune femme face à elle qui semblait perdue dans ses pensées.

« A trop de choses. » murmura Sanae.

Un soupir lui échappa alors qu’elle prenait sa tasse entre ses mains. Ses cheveux lâchés dégringolaient comme une cascade d’eau noire jusqu’à ses jambes en tailleur.

« Cela a toujours été ton problème, dit Hisaé.
- Comme vous aimez me le rappeler, oui… »

Sanae avait relevé ses obscurs saphirs sur sa mère adoptive. Les traits de son visage étaient durs.

« Quelque chose ne cesse de tourbillonner dans ton esprit, je le sens,  reprit sa mère.
- La même chose, depuis toujours... » dit-elle dans un souffle.
Hisaé posa sa tasse, le dos droit et le visage inexpressif.
« Tu ne la rendras pas plus vivace en en parlant.
- Au contraire, ces pensées-là n’attendent que d’exister plus fort, rétorqua Sanae.
- Quand on ne peut freiner une pensée, elle doit prendre forme et s’échapper...ou elle te contrôlera. Tu le sais mieux que personne. »

Sanae darda son regard profond sur Hisaé. Il n’y avait qu’elle pour ne pas détourner les yeux.
Elle n’aurait osé mentir à celle qui l’avait recueillie.

« Vous m’avez toujours dit qu’une pensée exprimée donnait le contrôle à l’autre
, dit-elle.
- Hm. Alors la question est de savoir si tu préfères être contrôlée par ta propre pensée ou par celui ou celle qui en aura conscience ? Dans notre cas, puisque c’est à moi que tu t’adresses, l’issue du débat est toute trouvée. »
Sanae soupira, détournant le regard vers la cheminée qui crépitait à leurs pieds.
Elle cédait sans véritable crainte, lasse des ses propres tergiversations.

« Je ne me débats pas à proprement dit avec une pensée. Je suis hantée par un souvenir qui ne cesse de me revenir. »
murmura la sorcière. « Je me réveille  au milieu de la nuit et je sors du même rêve. Toujours le même, à chaque fois. Il se répète inlassablement, et le jour, je le trouve aussi vivace que s’il s’était produit la veille... »
Son regard fut rappelé par le vide.

Le souvenir lui revenait et il commençait toujours de la même manière.



L’explosion avait tout soufflé sur son passage. Il ne restait de l’endroit que des pans de murs éboulés et un sol dévasté. Le bois s’était consumé, recroquevillé jusqu’à ne devenir qu’un tas de cendres et on devinait à peine ce qui fut un jour l’architecture des lieux. De l’autre côté du trottoir, une jeune fille aux yeux aussi noirs que ses cheveux en bataille, roussis par endroits, observait les jets d’eaux se projeter des lances à incendies. Les shobôshi se tenaient autour de l’orphelinat en feu dans leurs tenues marrons aux larges bandes orangées, dépliant leur matériel et parlant dans des téléphones qui grésillaient. Elle les trouvait étranges avec leurs têtes enfermées dans des casques qui leur donnaient des airs de robots. On avait déposé une couverture dorée sur elle et elle avait rabattu chaque pan sur son buste, ses doigts crispés dessus. Immobile et silencieuse, l’adolescente ne réagissait que peu aux gestes des adultes qui l’entouraient ; elle s’était laissée guider jusqu’à l’ouverture d’un camion sur le bord duquel on l’avait examiné avant de la recouvrir. Un masque à oxygène cachait la moitié de son visage sale. On avait nettoyé ses plaies aux mains et ses légères brûlures aux jambes ainsi qu’aux pieds. Personne ne comprenait comment cette jeune orpheline avait survécu au drame.
De ce moment, il ne restait presque que la vision floue des silhouettes alentours qui passaient devant les flammes dévorantes, cette odeur de cramé qui tapissait l’intérieur des narines, et puis ce bruit qui englobait tout : sa respiration lente et profonde se propulsant dans le masque, et créant une buée éphémère. Quand partout autour d’elle, on constatait de la tragédie, la jeune fille demeurait calme. Puisqu’elle ne pleurait pas, les shobôshi et les secours venus en renforts conclurent qu’elle était sous le choc. On déplora ce jour-là la mort de 36 enfants de 2 à 14 ans, ainsi que de 7 adultes qui géraient alors l’orphelinat depuis des années. L’insalubrité des lieux et le fait que de nombreux enfants y habitaient amena les autorités à faire de multiples hypothèses : une conduite de gaz défectueuse, un incident impliquant des bougies ou des allumettes, ou les appareils, vétustes, des cuisines. Sanae ne sut pas la conclusion qu’avait démontrée l’enquête. L’orphelinat Kimoto, dans l’un des quartiers les plus pauvres d’Osaka, était définitivement marqué par la tragédie.
Pourtant, Sanae se souvenait de s’être sentie si profondément soulagée. La chose qu’elle haïssait le plus au monde venait de s’effondrer dans un immense brasier. Elle en avait tant rêvé, l’avait souhaité si fort, que son vœu s’était réalisé sous ses yeux. C’était tout ce que son esprit confus pouvait comprendre de l’incident.

Elle avait été rapidement transportée dans un hôpital et y était restée des jours durant. Une légère commotion dû à l’explosion qui l’avait expulsée par la porte d’entrée ouverte avait nécessité des soins et une observation sur plusieurs nuits. Par chance, ses brûlures restèrent légères bien qu’elle en garderait les marques encore longtemps. Après une minutieuse prise en charge, les soignants constatèrent que l’adolescente portait de nombreux bleus et des marques d’anciennes fractures ; une enquête sur l’orphelinat et ses gérants fut ouverte mais comme tout avait brûlé, elle fut classée rapidement. Le drame engendra néanmoins une nouvelle campagne de prévention sur les maltraitances et les abus infantiles dans les institutions et les orphelinats de la ville. Les associations et le maire d’Osaka firent fermer plusieurs vieux orphelinats n’ayant pas assez de moyens pour subvenir aux besoins de tous les enfants.
Quant à Sanae, elle fut placée dans une famille d’accueil pendant quelques jours. L’histoire aurait pu s’arrêter là et ses souvenirs brumeux aussi. Mais là où le rêve s’arrêtait n’était que l’endroit où tout commença pour elle.

« Pourquoi es-tu si troublée par ce souvenir ?
demanda Hisaé.
- Je ne sais pas… Je ne comprends pas pourquoi je ne cesse d’en rêver quand pourtant je sais pertinemment ce qu’il s’est passé. »
Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’elle en parlait à la sorcière. A bien des reprises, elle avait eu l’occasion de lui montrer les images même qui constituaient ce souvenir et elles avaient longuement exploré les détails de l’incident. Sanae, plus jeune, avait ressenti le besoin de se plonger à nouveau dans ce terrible moment.
« Peut-être que comprendre n’est pas ce que tu recherches. » dit-elle.
Le regard d’Hisaé se darda dans le sien.
« Je ne recherche rien dans ce passé. Il est depuis très longtemps révolu, rétorqua la jeune femme.
- Au contraire, il est toujours très présent. Tu le dis toi-même, il est « vivace », n’est-ce pas le mot que tu as employé ? »
Hisaé avait toujours la fâcheuse habitude de se souvenir de tout dans les moindres détails. Agacée, Sanae détourna le visage et plissa les lèvres.
« Certes... » lâcha-t-elle à contre coeur dans une grimace. « Mais j’ai déjà exploré ce temps-là des centaines de fois, que pourrais-je en extirper de plus ? »
Hisaé but une gorgée de son thé tout en réfléchissant. Un silence s’installa entre elles mais elles en avaient l’habitude. La contemplation les guidait souvent.
« Si ce n’est une explication à un quelconque problème, alors c’est le ressenti que tu recherches inlassablement, dit-elle enfin.
- Le ressenti ?
- La chute de cet orphelinat et de cette partie de ta vie a été ton avènement Sanae. Une tragédie pour les autres, une joie pure pour toi. Serait-ce tiré par les cheveux que de penser que c’est cette émotion là que tu cherches à retrouver ? Le plaisir indicible de la destruction, le soulagement de ta libération. »
Sanae ne dit rien. Elle glissa son regard de sa mère jusqu’au vide.
« Plus jeune, tu étais déjà faite pour le chaos. Tu n’aimais que cela. Et rien de ce qui était tranquille ne t’apaisait plus que ce qui était tumultueux, dit Hisaé en souriant. Tu n’appréciais que les histoires de batailles et de vengeances. Quand le héros mourrait ou se trouvait trompé, tu te réjouissais de son malheur et tu applaudissais la fourberie de son ennemi. Alors, il n’est pas déraisonnable de penser que dans des moments de réconfort, c’est cela que tu veux trouver.
- La joie de voir périr les autres, fit Sanae dans un souffle moqueur.
- Le soulagement de te débarrasser de ce qui t’encombre. » corrigea-t-elle.

De ce qui l’encombrait, Sanae en avait pertinemment conscience. Son regard se fit plus noir que le charbon au bord de la cheminée.

« Tu n’as jamais été très patiente, mon enfant. C’est sans doute la leçon la plus difficile et la plus longue que j’ai du t’enseigner. Et je dois avouer que je ne sais pas encore si tu l’as apprise. »

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